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Petite enfance

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire le jeudi 08 novembre 2012.

"On a aujourd’hui une école maternelle qui a perdu sa vocation ludique et d’éveil, et qui est en train de se vendre à l’illusion des acquisitions de compétences." Sylviane Giampino (psychanalyste) dénonce, dans le dernier numéro de "Diversité" (Ville-Ecole-Intégration, SCEREN-CNDP) consacré aux "premiers pas dans la vie et dans la ville", "la précipitation du développement cognitif des enfants au détriment (...) de l’équilibre futur des enfants". Elle souligne que "nous vivons une époque paradoxale "où l’enfant est une sorte de nouveau fétiche sacré et où en même temps on remet en cause la notion même d’enfance".

Ce sont finalement ces concepts qui sont développés dans toute la revue. C'est ainsi que Peter Moss (université de Londres) considère que c'est la Démocratie qui constitue la valeur fondamentale en matière d'éducation et du soin de la petite enfance. Il évoque "une démocratie où tous participent, enfants et adultes pareillement" et "un mode de vie et de relation qui devrait imprégner tous les aspects de la vie quotidienne". Gérard Neyrand (université de Toulouse), critique "l’infléchissement des préoccupations envers la parentalité vers le contrôle des parents", voire une "reprise en main des plus démunis" : "Le champ des interventions concernant la parentalité s’en trouve quelque peu déstabilisé, tant par la montée de la logique managériale que par celle, concomitante, du sécuritaire."

S'intéressant à l'éducation des enfants chez les Roms, Alice Sophie Sarcinelli (Institut de recherche interdisciplinaires sur les enjeux sociaux) constate qu'ils "revendiquent parfois le fait d’avoir des méthodes éducatives différentes" alors qu'elles "relèvent moins d’une fantomatique culture rom, que d’une série de conditions historiques et sociales" : "on tend souvent à qualifier de culturel ce qui est du ressort du social et du politique". Elle ajoute : "l’enfance se prête particulièrement bien à cacher ce qui relève du politique."

Une bonne partie du dossier est évidemment consacré à l'école maternelle. Pour Viviane Bouysse (IGEN), "l’enseignant(e) d’école maternelle doit faire preuve d’une grande disponibilité pour greffer ses interventions de manière adaptée sur les réalités fort diverses que présentent les enfants.(...) Le regard est sans doute le premier facteur d’étayage, un regard actif par lequel l’enfant perçoit l’adulte comme le témoin de ses trouvailles, de ses tentatives, un regard qui se prolonge par la parole car c’est la parole qui porte sens." Agnès Florin (université de Nantes) considère que la volonté de développer à nouveau la scolarisation précoce est une occasion de réfléchir à ses conditions. "Tous les 'deux ans' ne sont pas prêts à être scolarisés", et "toutes les écoles maternelles ne sont pas prêtes à scolariser les moins de trois ans. Il faut pour cela des locaux adaptés (...), avec un espace de classe à leur échelle et évolutif au cours de l’année scolaire, une exigence d’assiduité progressive et la possibilité d’être accueilli en cours d’année selon la date anniversaire, une organisation souple de la journée scolaire, des activités conçues spécifiquement pour eux, au moins en partie, et des progressions pour éviter la monotonie (...)". Michel Warren ajoute que la scolarisation des enfants de deux ans dépend d'un travail d’articulation des logiques de l’État et des communes, "dans un espace politico-éducatif hybride, pensé en termes de collaborations, de transactions, de désaccords, de négociations et de contradictions" et Pascale Garnier (Paris-XIII) fait remarquer que la centration des statistiques "sur les inégalités sociales de réussite scolaire est propre à renforcer une justification purement scolaire de son bien-fondé au détriment de son rôle d’accueil et d’éducation".

Le dossier s'intéresse également à la PMI (Protection maternelle et infantile), dont le docteur Marie-Christine Colombo, rappelle qu'elle "a longtemps incarné à elle seule la politique publique de santé au service des familles et des enfants", mais que "ces dernières années, les orientations en matière de prévention sanitaire ont pris une tournure qui n’est pas sans rappeler une période historique antérieure, très marquée par le contrôle social". Marie-Paule Thollon-Béhar s'intéresse pour sa part à la professionnalité des personnels de la petite enfance, dont les pratiques sont "souvent mal connues", qu'il s'agisse des moments d’analyse des pratiques, de l’élaboration du projet d’établissement et de diverses démarches participatives, qui font partie de leurs "compétences cachées".

Dans son éditorial, Régis Guyon pose des questions de fond, "à qui appartient l’enfant ?" Les parents qui décident de garder leurs enfants près d’eux jusqu'à 6 ans, peuvent se voir tenus pour responsables de leurs éventuelles difficultés à leur entrée en école élémentaire. "En quoi l’école maternelle jouerait- elle alors un rôle différent de celui des structures d’accueil de la petite enfance ? (...) ne pourrait-on pas plutôt inciter les femmes des quartiers populaires à mettre leurs enfants à la crèche (...) ? Comment expliquer le paradoxe voulant que l’enfant soit surinvesti dans la sphère privée, et si peu considéré lorsqu’il entre dans le débat public [si l'on considère par exemple les salaires des professionnels de la petite enfance, ndlr] ?

Diversité, n° 70, www.cndp.fr/vei

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