Sciences: privilégier les questions aux réponses et développer une culture, plutôt qu'un outil de sélection scolaire
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture, Orientation le lundi 08 juin 2009.
L'INRP (veille scientifique et technologique) publie une synthèse de la littérature sur l'enseignement des sciences qui remet en cause un certain nombre d'idées toutes faites. Il est faux de dire que les jeunes se détournent de ces enseignements parce qu'ils auraient une mauvaise image de la science. L'historien Dominique Pestre rappelle que l'installation de l'éclairage au gaz déclencha procès et manifestations et que Victor Hugo pourfendit le chemin de fer. En réalité, les jeunes européens ont une image plutôt positive de la science qui arrive en tête de leurs centres d'intérêt. Ils estiment que "les scientifiques travaillent pour le bien de l'humanité", mais qu'ils sont mal payés.
Dans tous les pays, on s'inquiète du faible nombre de jeunes qui se destinent à une carrière scientifique. Mais l'analyse sociologique "fait pièce à l'idée d'une crise mondiale des sciences". Certes, quitte à faire des études longues et difficiles, beaucoup préfèrent des perspectives plus rémunératrices (médecine, gestion de haut niveau). Plutôt que d'une crise des sciences, il faudrait parler (en France au moins) "d'une crise de l'ensemble des disciplines universitaires académiques au profit des filières professionnelles (y compris les écoles d'ingénieurs)". Les lettres et sciences humaines ont vu leurs effectifs chuter sans qu'on parle pour autant d'une "pénurie de littéraires". Bref, rien ne permet d'affirmer qu'il y a "une crise mondiale des sciences", même si l'on peut s'alarmer "du petit nombre de filles qui choisissent de poursuivre des études scientifiques".
Nous avons à l'évidence un problème pédagogique puisque "les sciences fonctionnent en France comme simple outil de sélection scolaire, déconnecté de tout enjeu de culture ou de vocation scientifique". Le contenu des études scientifiques est souvent jugé "inintéressant et difficile", le temps imparti à l'expérimentation est trop court, les savoirs enseignés sont sans rapport explicite avec la science de pointe ou ses récentes applications, et l'intérêt des recherches scientifiques pour la société ne fait pas sens pour l'élève. Partout, la pédagogie des sciences doit être renouvelée, il faut cesser "de préférer la théorie à la pratique, d'entraver le questionnement, de négliger l'histoire des sciences en privilégiant une approche cloisonnée des disciplines". C'est "dès le plus jeune âge" que se cultive le goût des sciences. Marie Musset, l'auteure de cette synthèse, cite évidemment en exemple l'opération "la main à la pâte", expérimentée par le ministère de l'Éducation nationale, sur proposition du prix Nobel Georges Charpak depuis 1996, mais aussi l'installation de laboratoires en mathématiques.
Elle cite encore d'autres initiatives, Jardin des sciences, Fêtes de la Science, Nuit des chercheurs, Cafés scientifiques juniors, et surtout les 34 Centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI), qui "reçoivent environ 2 millions de visiteurs par an, avec un budget relativement modeste de 4 millions d'euros par an" et qui contribuent "largement à insérer la science dans la société".
Car c'est là l'essentiel. Quelle est la place du scientifique dans la société? Alors que "la science joue un rôle sociétal, culturel, et économique incontournable", "l'objectif scolaire souvent assigné aux sciences, celui de 'réussir des contrôles', [doit s'effacer] au profit de la construction d'une véritable culture scientifique".
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