L'Ecole doit redonner confiance aux femmes (V. Peillon)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture, Orientation le jeudi 27 septembre 2012.
"Il faut prendre à bras le corps la question de l'égalité hommes-femmes: c'est à l'institution scolaire de donner aux femmes davantage confiance en elles." A l'occasion d'un déplacement interministériel dans un lycée professionnel de Claye Souilly (Seine-et-Marne) , V. Peillon a salué la mise en place du dispostif "Jeunes pour l'égalité" dans une dizaine d'établissements d'Ile-de-france.
Suivant l'une des recommandations de la vice-présidente du Conseil régional, Henriette Zoughebi, V. Peillon et N. Vallaud-Belkacem ont annoncé la mise en place d'un "partenariat actif" entre les Ministères de l'Education et du Droit des Femmes pour lutter contre les inégalités de genre.
Les jeunes Françaises moins ambitieuses
Pour les ministres, les différences visibles sur le marché du travail, en termes de salaire comme d'insertion, sont liées à des choix de carrière souvent ancrés dans des rôles stéréotypés. "Les femmes ont un panel de choix beaucoup plus réduit", relève N. Vallaud-Belkacem.
Selon le rapport Regards sur l'éducation 2012, les jeunes Françaises sont moins ambitieuses que leurs consoeurs de l'OCDE : elles sont 40 % à envisager d'exercer une fonction de membre de l'éxécutif, de cadre supérieure ou de profession intellectuelle supérieure, contre 60 % des jeunes filles de l'OCDE de moins de 15 ans.
Pour enrayer la reproduction des rôles sociaux, il faudrait favoriser "la double mixité", c'est-à-dire la diversification des filières dites "genrées", selon la ministre du Droit des Femmes. V. Peillon entend mener ce travail à plusieurs niveaux.
Les élèves doivent être sensibilisés à la questions des stéréotypes "dès le plus jeune âge". C'est pourquoi le ministre entend mener "une expérimentation dans cinq académies pour travailler sur ce sujet "à partir du CP". Les questions liées à l'égalité des filles et des garçons feraient ainsi l'objet d'un enseignement spécifique. Elles pourraient s'inscrire dans le cadre de l'enseignement de la "morale laïque" qui entrera en vigueur à la rentrée 2013. Pour V. Peillon, "la laïcité, c'est la liberté de conscience, mais aussi la justice, donc l'égalité entre hommes et femmes: cette question fait partie du socle de l'Ecole Républicaine".
La parité devrait irriguer l'ensemble des disciplines scolaires. "Nous veillerons à modifier les programmes dans ce sens", a annoncé V. Peillon. Le ministère prévoit aussi de travailler avec les collectivités territoriales,"qui ont un rôle à jouer dans le choix des manuels".
La sensibilisation des élèves aux questions de genre implique de mieux former les enseignants dans ce domaine. V. Peillon a annoncé "la mise en place d'un module d'égalité hommes/femmes dans la formation de tous les enseignants".
Normalité des parcours "genrés"
Certaines filières professionnelles porteuses d'emploi sont essentiellement "masculines". V. Peillon a ainsi noté "la grande inégalité d'accès aux métiers scientifiques" dont souffrent les femmes. En France, moins de 5 % des filles de 15 ans envisagent d'exercer une profession en rapport avec l'ingénierie ou l'informatique, contre près de 20 % des garçons. A l'inverse, les services de santé sont davantage prisés par les filles (22 %) que les garçons (8 %).
Cette distribution des ambitions, qui correspond à la moyenne des pays de l'OCDE, est avant tout le prolongement de parcours scolaires très "genrés". "Actuellement, l'Ecole entretient les stéréotypes", a regretté N. Vallaud-Belkacem.
Dans la filière professionnelle, 89 % des filles optent pour le secteur des services et 55 % des garçons pour le secteur de production. "Les métiers d'installateur, de chargé de maintenance et les filières liées au secteur des énergies renouvelabes sont essentiellement masculins; le secrétariat ou les services sont plus féminisés", précise un professeur du lycée professionnel que les ministres ont visité. Dans cet établissement, l'équipe pédagogique de la filière industrielle compte une seule femme. Les élèves sont exclusivement des garçons, "alors que la force physique n'est plus aussi nécessaire qu'auparavant grâce aux avancées technologiques", note le même enseignant.
Si les élèves sont sensibles aux discriminations liées au nom, à l'apparence ou à l'appartenance à une minorité, ils semblent moins frappés par les inégalités liées au genre."On ne fait pas forcément attention aux actes de discrimination qui concernent les attitudes masculines ou féminines", reconnaît une élève.
Selon un sondage réalisé auprès des 18 lycées participant à l'opération "Jeunes pour l'égalité" , 51 % des filles et 58 % des garçons trouvent normal qu'il existe des métiers masculins et féminins. Seuls 40 % des filles et 18 % des garçons demandent la parité.
Liberté sexuelle
L'orientation des élèves n'est pas la seule source d'inégalités entre garçons et filles, hommes et femmes. N. Vallaud-Belkacem identifie trois axes de travail dans ce domaine: "les choix d'orientation, mais aussi l'articulation entre temps de travail et temps personnel et l'intégration dans les entreprises".
Une expérimentation sera mise en place "en partenariat avec 8 régions, à l'horizon 2013" pour résoudre "de manière innovante" ces trois types de problèmes. Elle pourrait s'appuyer sur une association comme "IMS-Entreprendre", qui s'est associée avec 200 entreprises pour "faire découvrir les métiers masculins aux filles" (voir ToutEduc Orientation des filles : IMS-entreprendre veut lutter contre les stéréotypes).
"La question de l'égalité est un tout", confirme Henriette Zoughebi. Elle impliqe aussi une réfléxion sur l'éducation à la sexualité, obligatoire selon les programmes mais très peu enseignée dans les établissements. Ceux-ci se contentent souvent de diffuser des informations sur les maladies sexuellement transmissibles (MST). Or, note H. Zoughebi, "La liberté sexuelle est la base de l'égalité: il ne faut pas limiter la question de la sexualité aux MST."
"L'éducation à la sexualité, c'est l'éducation au respect entre filles et garçons, reprend N. Vallaud-Belkacem. Une partie des violences faites aux femmes sont des violences de genre: il faut donc pouvoir parler de sexualité, avoir une éducation à la sexualité qui ne se résume pas aux MST."