L'agrégation: concours de recrutement ou critère de distinction?
Paru dans Scolaire le jeudi 28 mai 2009.
Jusqu'ici plutôt silencieuses dans le conflit qui oppose la communauté universitaire au gouvernement sur la réforme du recrutement et de la formation des enseignants, les quatre Ecoles normales supérieures (Paris, LSH, Cachan et Lyon) viennent d'adresser un courrier à Xavier Darcos pour lui faire part de leur « consternation collective ». Leurs directeurs s'opposent au projet de décret sur l'agrégation, qui prévoit d'exiger de tous les candidats la possession effective d'un Master 2 au moment de l'inscription.
Si une telle mesure s'appliquait, l'agrégation risquerait selon eux d'attirer de moins en moins de normaliens, qui préfèreront enchaîner directement sur une thèse plutôt que préparer « un concours de recrutement qui n'ouvre pas directement aux débouchés qu'ils recherchent et pour lesquels nous les formons en majorité ». Ce qui « sera dommageable pour le niveau des agrégés et pour la qualité de la recherche française à laquelle nous contribuons largement », estiment les quatre directeurs.
Avant de préciser: « De plus, nous ne savons pas si les dispositifs permettant aux jeunes agrégés de commencer une thèse sans avoir à prendre un poste en académie seront maintenus, ce qui ajoute aux inquiétudes et augmente le désintérêt des normaliens pour l'agrégation ».
Au delà de la polémique suscitée par le projet de décret, il est intéressant de noter que par cette lettre, les directeurs des ENS reconnaissent et assument une réalité connue de tous, mais qui fait encore l'objet d'un certain non-dit: les normaliens (soit plus de la moitié des reçus au concours) ne voient pas l'agrégation comme un moyen d'obtenir un poste dans le secondaire. Pour la grande majorité d'entre eux en effet, l'agrégation est bien moins un concours de recrutement qu'un titre leur permettant de poursuivre une carrière orientée vers la recherche et l'enseignement supérieur. Et c'est dans cet esprit qu'ils sont formés par les ENS.
C'est donc la question de la définition même du concours qui est posée de manière implicite par cette lettre. Doit-on le rétablir dans sa vocation initiale, qui est de recruter les enseignants du second degré, ou prendre acte de ce qu'il est devenu, pour en faire, officiellement, un critère de distinction?