Quand l'éducation prioritaire change de priorité
Paru dans Scolaire le jeudi 28 mai 2009.
Le site de l'OZP (Observatoire des zones prioritaires) publie une analyse éclairante de Jean-Claude Emin, ancien sous-directeur à la DEPP, sur l'évolution de la politique française de l'éducation prioritaire, d'Alain Savary à Xavier Darcos.
On y voit comment la « priorité » est progressivement passée des territoires au public: entre les « Zones d'éducation prioritaires » créées par Alain Savary en 1981 et les « Zones d'éducation prioritaire » que nous connaissons aujourd'hui, l'adjectif « prioritaire » ne qualifie plus le même nom. Le déplacement s'est produit à la faveur d'un glissement sémantique d'abord opéré par Ségolène Royal en 1998 (lorsqu'elle annonce pour la première fois une « relance de l'éducation prioritaire ») puis assumé en 2006 par Gilles de Robien, qui définit les critères permettant de passer d'une « logique de zone » à une « logique de public ».
Xavier Darcos ira ensuite au bout de cette logique, appliquant la distinction instaurée par Nicolas Sarkozy dans sa lettre de mission de janvier 2007, entre deux publics bien distincts: « les élèves les plus en difficulté », d'une part, et « les élèves méritants » des établissements défavorisés d'autre part.
La véritable priorité, constate Jean-Claude Emin, sera de fait donnée aux seconds (les méritants) par des mesures visant à les faire passer de l'autre côté de la barrière sociale (assouplissement de la carte scolaire, internats de réussite éducative, accès aux classes préparatoires). Pour les autres (les « non-méritants »), l'Education nationale mettra en place des dispositifs (aide personnalisée, accompagnement éducatif) qui n'ont rien de spécifique à l'éducation prioritaire. Et qui, de ce fait, ne tiennent pas compte de la concentration des difficultés propre aux territoires considérés par ailleurs comme « prioritaires »...