Centres éducatifs fermés : évaluer avant d'en doubler le nombre (CNAPE)
Paru dans Justice, Orientation le jeudi 21 juin 2012.
Les associations de protection de l'enfance, réunies en colloque aujourd'hui et demain 21 et 22 juin 2012, s'interrogent sur le sens du doublement du nombre des CEF, centres éducatifs fermés, promis par François Hollande. Conçus dans un contexte hostile, il y a 10 ans par la loi du 9 septembre 2002, dite loi Perben, les CEF sont une alternative à l'incarcération des mineurs de 13 à 18 ans, multirécidivistes, ayant commis des actes graves. Ils sont désormais reconnus par la plupart des observateurs omme une réponse éducative pénale pertinente.
La CNAPE (fédération), qui organise les journées "Eduquer sous contrainte, le dispositif CEF à l'aune des premiers constats" estime que le dispositif est une reponse spécifique qui ne peut accueillir tous les publics. En outre, la fédération considère comme une priorité de consolider les moyens nécessaires à la mission éducative des CEF existants (une quarantaine en France).
Fabienne Quiriau, directrice générale de la CNAPE, répond aux questions de ToutEduc.
ToutEduc : Lors de ces journées, vous êtes rapporteur d'un atelier sur l'évaluation du dispositif CEF. Que pouvez-vous nous en dire?
Fabienne Quiriau : Il faut d'abord rappeler les objectifs initiaux de ce dispositif. Et se demander en quoi il y répond. Les CEF sont une alternative éducative à l'incarcération pour des multirécidivistes. Ils leur permettent de faire une pause dans leur parcours, certes pour mettre un terme à la délinquance, mais aussi et surtout pour mener auprès du mineur une action éducative et pédagogique soutenue et concevoir avec lui un projet personnalisé. . Cette rupture dans son parcours doit l'aider à faire le point sur son histoire de vie d'enfant, de jeune, de délinquant.. Pendant ce temps de placement, il importe de le remobiliser, de l'amener à se projeter dans l'avenir et à croire en son projet d’insertion.
ToutEduc: Le dispositif répond-il à ces objectifs?
Fabienne Quiriau : Nous pensons que oui. Cependant, l'évaluation dans les CEF ne se fait pas systématiquement, hormis un bilan individuel au moment de la sortie. Nous manquons de données sur le devenir des mineurs à la sortie du CEF, sur le taux d'insertion et de récidive. Nous souhaitons qu'un recueil de données au niveau national soit enfin effectué, à la sortie, 6 mois et 18 mois après la sortie. Nous avons travaillé avec la DPJJ à l'élaboration d'un outil d'évaluation mais nous n'avons aucune nouvelle depuis plusieurs mois des suites données à ce projet. Et nous ignorons quels moyens sont effectivement mis en oeuvre pour les accompagner après le CEF. Existe-il des actions d'accompagnement post CEF? Sont-elles efficaces?
ToutEduc : Quels devraient être les critères de cette évaluation?
Fabienne Quiriau : Nous voulons savoir ce que deviennent les jeunes et quels sont les dispositifs existants pour assurer le suivi. Par ailleurs, le CEF ayant pour principal but la réinsertion, on ne peut pas seulement se demander "a-t-il récidivé ou pas?". Même si bien sûr, l'un des objectifs est d'arrêter la spirale de la délinquance. Il faut surtout repérer où le jeune en est dans son parcours de réinsertion. Il serait intéressant de voir ce que le CEF a permis de transformer, jusqu'où il l'a accompagné dans son parcours par rapport à son insertion social, sa santé, sa scolarité, sa formation ou encore ses relations avec sa famille. Le processus d'insertion sociale, professionnelle, ne peut s'évaluer que dans le temps.
ToutEduc: Pourquoi ces évaluations n'ont-elles pas encore été mises en oeuvre?
Fabienne Quiriau : La CNAPE est signataire d'une convention avec la PJJ qui remonte à 2008 et qui prévoyait qu'on fasse une évaluation du dispositif en 2010. Mais, peut-être à cause d'un blocage du recueil d'informations par la CNIL, ou de difficultés de mise en oeuvre pour la PJJ, cette convention n'a pas été suivie d'effets.
ToutEduc: Comment percevez-vous vos relations avec le nouveau gouvernement?
Fabienne Quiriau : Je vous rappelle que l'ancien gouvernement avait annoncé son intention de réduire les effectifs, que les personnels des CEF se sont accordés pour désapprouver ce projet et ont entamé une action de grève administrative. Pendant plusieurs mois, ils n'ont plus transmis de données chiffrées sur les jeunes.
François Hollande, lorsqu'il était candidat, avait proposé d'augmenter le nombre de CEF. Mais nous pensons qu'il serait d'abord préférable de consolider le parc existant – une quarantaine de CEF - et d'évaluer son efficacité. Lors de l'installation du nouveau gouvernement, nous avons adressé à la Garde des Sceaux un plaidoyer pour défendre les CEF dans leur mission éducative. Madame Taubira s'est d'ailleurs exprimé il y a 3 semaines devant les magistrats de la jeunesse sur la délinquance juvénile. Son discours nous laisse beaucoup d'espoir.
Les journées "Eduquer sous contrainte, le dispositif CEF à l'aune des premiers constats" sont organisées par la CNAPE, en partenariat avec le CREAHIL (centre de réflexion et d'action sur les handicaps), l'ALSEA 87 (action sociale) et l'OIJJ (observatoire international de justice juvénile).
Le site de la CNAPE ici