Formation des enseignants : passer d'une "gestion de l'urgence à une exigence de qualité" (inspections générales)
Paru dans Scolaire le samedi 02 juin 2012.
Dans le second degré, "c'est l'ensemble du dispositif de stagiarisation des étudiants en responsabilité qui doit être repensé, de la préparation et du suivi des étudiants par l'université à l'optimisation de la ressource pour la formation continue". Datées d'avril et juillet 2011, deux notes des inspections générales évaluent "la mise en oeuvre de la réforme de la formation des enseignants". Même si elles font toutes deux état d'un "bilan globalement positif", "bien éloigné des catastrophes annoncées par les diverses forces qui s'opposaient à cette réforme", elles témoignent d'un "sentiment général d'impréparation" lié à "une mise en place de la réforme dans l'urgence". L'année scolaire 2010-2011 est ainsi qualifiée d'année "d'improvisation collective, où chacun a essayé de répondre à l'urgence de l'accompagnement de professeurs en responsabilité avec comme seule référence une pratique liée à l'ancien système".
Les inspecteurs recommandent donc de "passer de la gestion de l'urgence à l'exigence de la qualité" pour faire évoluer les choix d'affectation des enseignants-stagiaires. Dans le premier degré, "l'exigence de qualité de la formation des PES (professeurs des écoles stagiaires) suppose que l'on passe à des choix fondés sur de nouveaux critères : pertinence des supports (pas de postes fractionnés sur plusieurs écoles), environnement de formation favorable (pas de poste trop difficile ou trop isolé), mise en situation de responsabilité stable (une même école à l'année) ou rigoureusement planifiée dans le cas d'une affectation sur un poste de remplacement ".
Repenser les temps de formation
Dans le second degré, l'articulation entre formation théorique et stage en responsabilité n'a pas été suffisamment préparée, ce qui a occasionné une surcharge de travail pour les étudiants. Pour gagner en efficacité, les inspecteurs proposent de "reporter sur les première et deuxième année comme professeur titulaire les formations 'de fond', transversales ou disciplinaires, mieux susceptibles d'intéresser un professeur déjà bien installé dans ses classes qu'un stagiaire dans l'urgence du lendemain". Durant l'année de stage, les journées de formation seraient ainsi moins nombreuses et davantage "porfessionnalisantes", afin de rendre le stagiaire "opérationnel".
Pour autant, il ne s'agit pas de minorer la formation universitaire des étudiants par rapport à l'acquisition de savoirs "pratiques". Au contraire, les inspecteurs mettent en garde contre une telle dérive. "La formation des enseignants ne doit pas être réduite à l'excès à des apports 'pratico-pratiques', totalement déconnectés de la recherche universitaire." Ils invitent donc à "mettre en examen" la tendance actuelle dans le second degré, où "le poids des formations portant sur l'enseignement des disciplines et les pratiques de classe (didactique, pédagogie, modalités d'évaluation des connaissances) est en augmentation par rapport à celui des formations générales ou transversales".
Les inspecteurs appellent aussi à une meilleure collaboration entre acteurs institutionnels (inspecteurs) et universitaires dans le premier degré. "Les académies accordent un poids relatif plus important des formateurs 'institutionnels' (PEMF, CPC, DEA…) par rapport aux formateurs 'universitaires', en majorité des intervenants de l'IUFM". Cette évolution transforme la mission des services rectoraux et des inspecteurs en "leur confiant la responsabilité de la formation à l'entrée dans le métier". Elle occasionne ainsi une "surcharge de travail" qui pourrait être évitée en impliquant davantage les acteurs universitaires.
Des formateurs au rôle confus
Parmi les principaux acteurs de la formation des enseignants, les inspecteurs soulignent le rôle fondamental de deux d'entre eux : les chefs d'établissement et les tuteurs. "L''action du chef d'établissement dans l'accueil, l'intégration et la formation des professeurs doit être réaffirmée et développée." Quant aux tuteurs, leur rôle "doit être clarifié et valorisé" pour "apporter une plus grande qualité aux acquisitions professionnelles des étudiants et des stagiaires". Si le rapport d'avril regrettait "la confusion et l'ambigüité" dont souffre le statut de tuteur, celui de juin note une amélioration certaine. Le rôle de ces acteurs a pu être "clarifié grâce aux documents de type 'cahier des charges de la fonction de tuteur' qui ont été réélaborés."
Pour coordonner l'ensemble des actions menées au niveau académique, les inspecteurs soulignent enfin l'importance d'un troisième type d'acteur, les recteurs. Leur action est "déterminante" pour la mise en place d'une organisation académique "planifiée et cohérente" de la formation des enseignants .
Juxtaposition d'actions locales
Cette évolution est essentielle après une année "d'improvisation" où "la diversité départementale des options et des constructions" l'a emporté sur les directives nationales. En effet, "l'organisation d'une année de stage d'un corps à recrutement académique (concours et jury académiques) ne peut durablement connaître trop de disparités en termes de conditions d'affectation ou de formation". Si le rapport de juillet ne s'étend pas sur ce manque de cohésion, celui d'avril se montre particulièrement sévère à ce sujet. Il signale que "les notes des correspondants académiques prennent le plus souvent la forme d'une juxtaposition de bilans départementaux sans que les enseignements tirés d'un département soient nécessairement partagés par les autres départements de la même académie". Les inspecteurs se montrent aussi sceptiques sur l'efficacité des collaborations régionales entre les acteurs du nouveau système de formation. "Le maintien de fonctionnements locaux entre inspection académique et antenne départementale de l'IUFM ne semble durablement adapté ni aux effectifs concernés ni surtout aux formes de coopération qui se construisent en matière de formation entre les recteurs et les présidents d'université et qui relèvent incontestablement d'un pilotage académique."
Terminant sur une note positive, les inspecteurs saluent les projets de master en alternance, encore marginaux bien qu'ils soient expérimentés dans "une bonne dizaine d' académies". Ils "apparaissent comme des pistes prometteuses pour l'élaboration de modalités de professionnalisation progressive efficaces et efficientes". Selon les deux rapports, c'est dans le premier degré que ces projets sont "les plus nombreux et les plus avancés", même s'ils se heurtent à "un faible nombre de candidatures étudiantes".
Les rapports d'avril et juillet 2011 sur "la mise en oeuvre de la réforme de la formation des enseignants" sont consultables ici et ici.