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Patrick Fournié (Indépendance et direction) : "On peut difficilement faire équipe si on détient seul le pouvoir d'évaluer"

Paru dans Scolaire, Orientation le mercredi 16 mai 2012.

"Indépendance et Direction", la seconde organisation syndicale de personnels de direction de l'Education nationale, signe ce mercredi 16 mai son adhésion à FO. Son nouveau secrétaire général, Patrick Fournié, explique les raisons de ce choix.

Patrick Fournié : Nous tirons les conséquences de l'échec de l' "Union pour l'Ecole Républicaine" qui a vu la FAEN, dont nous étions membre, la CSEN et la CFTC se présenter ensemble aux élections professionnelles. Les grandes centrales existent, nous en prenons acte. Nous avions d’ailleurs des points de convergence avec le SNUPDEN-FSU et avec le SGEN-CFDT, duquel j'étais d'ailleurs adhérent quand j'étais enseignant, mais nous ne voulions pas disparaître dans un syndicat général. D'ailleurs, dans certaines fédérations, les syndicats de cadres n'ont souvent qu'un nombre de délégués réduit, et ne peuvent pas peser réellement sur les orientations. FO nous garantit une grande indépendance et nous allons pouvoir travailler avec d'autres syndicats de cadres, puisque c'est la première organisation dans la fonction publique d'Etat.

ToutEduc : iD est souvent classé "à droite". Qu'en pensez-vous ?

Patrick Fournié : L'autre organisation [le SNPDEN, ndlr] se déclarant à gauche, on nous voit souvent de l'autre bord, d'autant que l'une des trois organisations fondatrices d'iD en 2002, l'Amicale avait déjà cette image. Je viens à titre personnel d’une famille issue du SPDLC, plutôt à gauche. Cela dit, être indépendant ne signifie pas être apolitique, nous prenons des positions politiques au sens où nous nous intéressons aux questions éducatives. Nous considérons par exemple que la première des priorités est de réduire le nombre des élèves en grande difficulté, mais nous n'avons pas à faire de la politique politicienne. Nous avons aussi établi un cahier de revendications, et nous défendons les intérêts de notre profession. Appelez cela du corporatisme si vous le voulez !

ToutEduc : Comment voyez-vous les évolutions de la politique éducative de ces dernières années ?

Patrick Fournié : Le tournant date de 2003 et des conclusions de la consultation Thélot. L'idée était que l'Education nationale stagnait et que le pouvoir politique devait reprendre la main sur les questions éducatives. Pour cela, il devait pouvoir s'appuyer sur l'encadrement, qui devenait un acteur essentiel et une courroie de transmission… Beaucoup ont été tentés de jouer ainsi un rôle plus important, on a parlé de culture managériale. Depuis 2 ou 3 ans, la plupart en sont revenus. C'est trop cher payer, cette politique a dressé les gens les uns contre les autres, les enseignants contre les personnels de direction par exemple... De plus, la pression sociale sur la réussite scolaire est telle que les relations entre les professeurs et les élèves ne sont pas suffisamment efficaces pédagogiquement, chacun veut la meilleure classe, on compare sans cesse les résultats, les élèves stressent, ... Nous avons besoin d'un peu plus de sérénité. Je rencontre des personnels usés et fatigués par la multiplication des réformes.

ToutEduc : Condamnez-vous pour autant toutes les réformes de ces dernières années ?

Patrick Fournié : Non, les réformes du lycée professionnel et du lycée d'enseignement général allaient dans le bon sens. Nous avons condamné en revanche les suppressions de postes et la "masterisation". En ce qui concerne le collège, nous sommes opposés à l'apprentissage à 14 ans, et nous considérons que tous les élèves doivent rester sous le même toit jusqu'à la fin du collège, ce qui ne signifie pas qu'ils suivent tous le même parcours. Mais il faut être très attentifs à ne pas recréer de filières.

ToutEduc : Parmi les réformes à venir possibles, les partenariats des établissements avec leur environnement, les autres administrations, les collectivités, les associations...

Patrick Fournié : Pourquoi pas ? Mais, l'Ecole doit se recentrer sur ce qu'elle sait faire, se recentrer sur la pédagogie, et passer le relais sur le reste. Nous imaginons difficilement ouvrir systématiquement les portes à des associations, qui utiliseraient les locaux hors des heures de classe sans que nous soyons responsables de la sécurité, de la maintenance. S'il y a accroissement des responsabilités, il faut mettre toutes les questions sur la table avec les collectivités locales en particulier. Car la situation n'est pas forcément la même dans un petit collège rural, qui peut jouer un rôle culturel structurant dans son environnement, et dans un grand lycée de centre ville.

ToutEduc : Vous critiquez une vision managériale du chef d'établissement. Comment voyez-vous son rôle ?

Patrick Fournié : On met souvent l'accent sur "l'effet maître", sur le rôle central de l'enseignant. Mais pour lutter efficacement contre le poids de l'origine sociale des élèves dans l'échec scolaire (analyse de PISA), il faut conjuguer cet effet-maître avec l’effet chef-d’établissement. Nous ne devons pas nous opposer, mais faire équipe. C'est pourquoi nous sommes opposés à l'idée d'évaluer seuls les enseignants, comme nous le sommes à celle d'évaluer nos adjoints. On peut plus difficilement faire équipe si on détient seul le pouvoir d'évaluer.

Patrick Fournié, 43 ans, agrégé de sciences économiques et sociales est personnel de direction depuis 2001 et proviseur du lycée Poincaré à Nancy depuis la rentrée 2010. 

Entretien relu par Patrick Fournié.

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