Simplement lucide, Chris Woodhead?
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Orientation le mercredi 13 mai 2009.
Un article du Gardian relevé par le site ActuaLitté donne la parole à Chris Woodhead, ancien directeur de l'inspection des écoles britanniques, aujourd'hui à la tête d'un réseau d'établissements privés.
Woodhead y défend l'idée que dieu a fait que certains élèves soient brillants, d'autres pas, et qu'il serait illusoire de vouloir changer cet état de choses. Ce déterminisme se traduirait selon lui par le fait que les enfants issus de la classe moyenne ont « de meilleurs gènes » que les enfants issus des classes populaires.
En conséquence de quoi il faudrait opérer une sélection à l'entrée du secondaire, pour orienter les élèves « peu brillants » vers un enseignement pratique. Les établissements devraient également faire l'objet d'une sélection par les parents, qui pourraient choisir de dépenser leurs « bons d'enseignement » dans telle ou telle école. Ce qui conduirait à la disparition naturelle – et souhaitable selon Woodhead – des écoles peu attractives.
L'aspect provocateur – voire scandaleux – du propos, ne doit pas nous conduire à sous-estimer sa force de persuasion. Le discours de Woodhead se présente en effet comme un discours « lucide », « honnête » et « décomplexé » dans lequel on sera peut-être tenté de reconnaître la marque d'un certain courage: le courage de ceux qui « osent dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas ».
C'est pourquoi il convient de s'adresser tout haut à ceux qui, tout bas, pensent comme lui. Nous laissons la parole aux spécialistes. Certains d'entre eux se sont déjà exprimés directement sur ces questions dans un ouvrage du GFEN (Groupe français d'éducation nouvelle) intitulé Pour en finir avec les dons, le mérite, le hasard.
L'un de ses articles (signé Michel Duyme et Christine Capon) identifie cette « idéologie du pessimisme » à laquelle participe Woodhead de la manière la plus active et la plus emblématique. Idéologie de plus en plus répandue, reposant sur la croyance en trois fatalités: « les premières années de la vie, les facteurs génétiques et les inégalités sociales ». Le reste de l'ouvrage nous permet de comprendre comment ces trois facteurs sont transformés en nécessités par nos croyances et nos représentations. Il nous permet aussi d'apercevoir que s'ils existent réellement, s'ils produisent d'incontestables effets, ces facteurs sont toujours susceptibles d'être modifiés, réorientés, retournés, dans des proportions que notre fatalisme nous empêche de soupçonner.
Nous mettons à votre disposition une traduction en français de l'article du Gardian. Le livre peut être commandé sur le site du GFEN. Ses premières pages suffiront à vous convaincre que le discours de Woodhead n'a rien de lucide, ni de franc.