On ne naît pas humain... on le devient, "quand les livres relient"
Paru dans Petite enfance, Périscolaire, Culture le vendredi 23 mars 2012.
Les enfants ne sont pas naturellement doués pour la lecture ni intéressés par les livres, et les bébés ni plus ni moins. En revanche, ils sont tous sensibles à la lecture qu'on peut leur en faire. C'est lors de ses premières expériences de lecture, avec un adulte, qu'il tissera un lien affectif avec le livre-objet. C'est dire l'importance de l'attention portée à ce moment chargé d'émotion, insiste Patrick Ben Soussan. Pédopsychiatre, il préside "Quand les livres relient", réseau d'associations travaillant sur la lecture à voix haute avec divers publics, qui a organisé aujourd'hui 23 mars une rencontre intitulée "Des livres à l'adresse des bébés?".
Pour ouvrir cette rencontre, Patrick Ben Soussan nous raconte l'histoire du bébé qui découvre les livres d'image. Puisqu'il ne voit pas grand-chose jusqu'à 9 mois, le bébé est d'abord sensible à l'intonation de la voix, dont il perçoit qu'elle s'adresse à eux d'une manière particulière.
Puis, le bébé distingue à travers le filtre de sa subjectivité, les formes qui le renvoient à son monde interne. Les visages de femmes, par exemple, lui rappellent celui de sa maman. "Jusqu'à un an, il existe une consanguinité extrême entre l'enfant, le livre et l'environnement", souligne Patrick Ben Soussan. Ce n'est qu'au fil du temps, grâce à son travail psychique d'interrogations "Qu'est ce que c'est ?", "A quoi ça sert? ", "bon ou mauvais ?" qu'il découvre les codes et les contenus.
Pourquoi cet accompagnement du bébé vers les livres? "Parce qu'on ne naît pas humain... on le devient" nous dit Patrick Ben Soussan, qui cite Edward Bond, metteur en scène de théâtre.
Sylvie Joufflineau, de l'association "Lire à voix Haute-Normandie", illustre ce propos en racontant comment certains nourrissons ont réagi à ses lectures. L'une, 4 mois, cesse de gémir et se détend, l'autre, 9 mois, écoute sagement puis s'agite en découvrant une image qui lui rappelle peut-être quelque chose...
Trois éditeurs invités à cette matinée, Thierry Magnier (éditions Thierry Magnier), Michèle Moreau (Didier Jeunesse), Sophie Corvaisier (Editions Frimousse), regrettent que les parents et les distributeurs se posent systématiquement la question de l'âge auquel correspond tel ou tel livre. "Ce qui compte, c'est ce que l'enfant aime, ou ce que le parent souhaiterait partager avec lui, un moment de joie ou aborder un sujet..." Ils regrettent aussi que la demande se dirige vers des livres "pédagogiques", "utiles", pour des apprentissages immédiats ou pour traiter de sujets très concrets (le pot, la naissance d'un petit frère, etc). "Un état d'esprit qui s'éloigne de celui des années 70 en France" souligne Thierry Magnier "et encore plus prégnant dans les pays asiatiques."
Le site de "Quand les livres relient", l' Agence nationale des pratiques culturelles autour de la littérature jeunesse ici
Patrick Ben Soussan auteur et éditeur aux Editions Eres ici
Site des Editions Thierry Magnier ici
Site des Editions Didier jeunesse ici
Site des Editions Frimousse ici