L'éducation au patrimoine, un consensus qui peut être trompeur (IFé)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le jeudi 15 mars 2012.
"L'éducation au patrimoine est devenue un objectif prioritaire au niveau national, européen et mondial (...) Elle semble ne pas faire débat tant foisonnent les ressources et les initiatives pour accompagner les élèves dans l'appropriation d'un patrimoine commun." C'est partant de ces deux constats que Marie Musset signe un dossier d'actualité de l'Ifé (Institut français de l'éducation), mais elle ajoute aussitôt que cette notion "n'est pas neutre" et que certains contenus éducatifs pouvaient relever "d'un ancrage nationaliste plus que d'une ouverture interculturelle".
L'auteure rappelle toutes les conventions internationales qui définissent le patrimoine, et soulige que, pour le Conseil de l'Europe, l'éducation au patrimoine "repose sur des démarches transversales, éducation à la tolérance, prévention des conflits, cohésion sociale", d'autant que la conception du patrimoine s'est élargie, "du monument au cadre de vie". Mais aux Etats-unis, on est "surpris de la connotation positive du patrimoine selon l'Unesco ou le conseil de l'Europe"; il évoque pour eux "la déformation, l'instrumentalisation ou la mythification du passé", et les associations qui travaillent sur ce sujet avec les écoles "délivrent un message volontiers très patriotique et centré sur (...) un ensemble de valeurs proprement américaines".
En Europe, jusqu'à la fin du XVIIIème, "on a surtout détruit pour faire plus beau, plus grand", à Saint-Pierre de Rome comme à Versailles. Après la Révolution, la mémoire devient une affaire politique, il s'agit de "surmonter les clivages", au risque de faire référence à une identité nationale. "Il faut avoir le courage et prendre le temps d'identifier le potentiel de dissenssion et de cofrontation, de négociation et de consensus que renferme la construction du patrimoine (...) Plus les pays ont été éprouvés par les conflits, plus il faut aller au-devant de l'ambivalence des émotions", en Irlande par exemple, ou lors de la visite du village martyr d'Oradour sur Glane. Ce site hésite entre mémorial et attraction touristique. Il convient aussi de s'interroger sur le rôle des médiateurs qui interviennent lors des visites, ou des associations qui organisent des stages pour les élèves et les familles dans divers lieux de mémoire.
Le dossier "Education au patrimoine : mémoire, histoire et culture commune" est à télécharger ici.