Réforme du lycée : le jugement des inspections générales
Paru dans Scolaire le samedi 10 mars 2012.
La réforme du lycée d’enseignement général et technologique "est un puissant révélateur" des écarts qui se creusent entre les établissements et entre les élèves, écrivent dans la conclusion du rapport qu'elles viennent de rendre au ministre de l'Education nationale les deux inspections générales. Certes, "l’autonomie grandissante des établissements renforce leur identité, mais elle renforce aussi la concurrence entre eux" et les compétences des équipes de direction et des équipes enseignantes "sont inégales et variées". En termes diplomatiques mais suffisamment explicites, les auteurs laissent entendre que "les grands objectifs, les enjeux et le sens de cette réforme" auraient besoin d'une "clarification", d'autant que "dans certains lycées, la mission a constaté que la réforme n’est toujours pas engagée, sauf, et encore pas toujours, sur un plan purement formel".
Les inspecteurs distinguent deux volets essentiels de la réforme, l’accompagnement personnalisé et l'orientation, et ils s'intéressent aux formations "STI2D" (Sciences et technologies de l'industrie et du développement durable) qui a pris le relais de la section STI.
ORIENTATION. Ils notent des insuffisances dans l'orientation des élèves. "L’information délivrée par les collèges reste parcellaire" tandis que "tout se passe donc comme si chaque lycée fonctionnait en limitant les parcours possibles pour ses élèves à l’offre dont il dispose et qu’il connaît". Les relations entre établissements "relèvent plutôt de la concurrence que de la mutualisation". Certains mettent "toute leur énergie dans une sorte de lutte pour la survie qui exclut toute mutualisation avec les lycées proches". Les auteurs ajoutent que "la hiérarchie entre les séries est toujours aussi présente" et que "la série S renforce sa prédominance".
ACCOMPAGNEMENT. Quant à l'accompagnement personnalisé en seconde, il continue de provoquer le "désarroi" de nombreux enseignants. "Il se met en place partout de façon très inégale et avec une fragilité certaine" et les élèves s'exclament "les profs ne savent pas quoi faire, on fait n’importe quoi". En 1ère, l’AP "suscite moins de désarroi et de divergences de vue, chez les élèves comme chez les professeurs [qui] retrouvent un cadre disciplinaire [et] sont rassurés".
Quant au tutorat, il "n’existe que dans le quart des lycées observés, sous des formes très diverses (...) Dans la majorité des cas, cette disposition de la réforme est encore inexistante."
STI2D. "Parmi les lycées de l’échantillon qui offrent des formations STI2D - les mêmes pour la quasi totalité que ceux qui proposaient STI auparavant - la réforme s’accompagne d’une baisse d’orientations et d’effectifs dans plus de la moitié des cas (...) Les rencontres ont révélé des enseignants inquiets (...). Ces attitudes (...) témoignent de vraies difficultés et d’un vrai mal être qu’il ne faut pas sous estimer par rapport à une réforme profonde des enseignements technologiques qui s’opère dans un calendrier particulièrement contraint."
Parmi les préconisations des inspections générales, à noter celle-ci : "Mettre les chefs d’établissement en situation de savoir faire face aux responsabilités qui leur incombent dans les choix stratégiques, organisationnels et pédagogiques que requiert la mise en place de la réforme et de savoir construire l’adhésion des équipes pédagogiques en les associant à ces choix."
Le rapport, 72 p., est téléchargeable sur le site du ministère, ici.