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L'éducation est sortie de l'école (A. Barrère)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le lundi 05 mars 2012.

 "L'éducation est sortie de l'école". La sociologue Anne Barrère, qui participait au "5 à 7" de l'Iréa (institut de recherche rattaché au Sgen-cfdt) mercredi 15 février, s'est montrée formelle: si l'instruction relève toujours du domaine de l'école, celle-ci a perdu son rôle central dans "la formation identitaire des individus". L'éducation des jeunes ne dépend pas seulement de l'école ou de la famille: "les jeunes ont leurs propres schémas de formation."

Dans L'Education buissonnière, celle qui se définit comme "sociologue de l'éducation, et non de l'école" s'est intéressée aux "pratiques électives" des élèves. Ces activités, pratiquées en dehors du cadre scolaire, contribuent à "l'auto-formation des jeunes". Elles constituent une "quatrième sphère" éducative, distincte de "l'école, de la famille et du groupe de pairs." Il s'agit d'une "sphère largement informelle d'auto-éducation, dont les épreuves forment autant voire plus la personnalité que l'école." Pour elle, le développement de cette sphère va de pair avec les faiblesses de l'institution scolaire. Celle-ci ne délivre plus un message clair aux jeunes. Elle rappelle qu' une même note n'a pas le même sens dans des établissements différents.

Ecouter l'entraîneur, pas le professeur

De plus, "l'école ne dit pas grand-chose comme institution: comme elle n'est plus sûre d'elle-même quant à la justice du système qu'elle organise, elle n'ose plus juger frontalement les élèves". C'est pourquoi les individus de référence ne sont plus les professeurs, mais les responsables des activités pratiquées en dehors de la sphère scolaire. "Les entraîneurs de foot en disent plus sur le rapport à l'échec que les profs du second degré", constate la sociologue de l'éducation. Les élèves acceptent davantage les critiques dans le cadre de leurs pratiques électives, où le discours des formateurs est à la fois autoritaire et motivant. "Les jeunes supportent alors des formes d'autorité violentes qu'ils ne supporteraient pas dans l'institution scolaire".

Elle note aussi que "les curriculums sont organisés contre tout ce qui plaît aux jeunes". Ainsi, dans le domaine du numérique, "l'institution cherche à distinguer les usages scolaires des usages personnels" et elle n'émet qu'un discours sécuritaire "à partir d'un vocabulaire normatif qui cible les risques; ce discours tombe totalement à plat car les jeunes connaissent et maîtrisent déjà ces risques".  

Enfin, les activités scolaires souffrent d'un "déficit d'intensité". A. Barrère évoque ainsi le cas d'une jeune fille qui lui a confié être "tellement investie dans les activités électives qu'elle serait épuisée si "l'école ne permettait pas de se reposer"".

Réinventer l'école?

Selon la sociologue, pour remédier à ce "déficit d'intensité", l'école doit remettre en question ses pratiques traditionnelles. "Il faut arriver à faire sauter le verrou du format classique du cours de 50 minutes". Elle recommande ainsi "d'inventer des dénivelés d'intensité", en proposant des "défis" aux élèves. Il s'agirait par exemple de "lire le plus possible en un moins de temps possible", ou encore d'organiser une "nuit des maths, l'établissement ouvrant toute la nuit pour faire des maths". L'école doit aussi laisser aux jeunes le temps de se former en dehors des murs sans avoir à choisir entre les cours et leurs "pratiques électives". La sociologue est donc favorable à une réduction du temps de travail des élèves.

L'institution scolaire devrait enfin prendre conscience de sa crise identitaire. D'un côté, "l'école ne sait plus où, comment et pourquoi couper avec l'extérieur". De l'autre, elle cherche à affirmer son autorité en se sanctuarisant. D'où la multiplication des discours répressifs et l'interdiction des "portables, des looks divergents, d'un usage non scolaire du numérique". Pour Anne Barrère, ces choix peuvent être légitimes, mais ils doivent être expliqués aux élèves. "L'école doit couper avec les pratiques extérieures, mais cette coupure ne va plus de soi, elle doit être justifiée".

 La présentation de l'ouvrage d'Anne Barrère est disponible sur le site de l'Iréa, ici.

Une partie de son analyse est reprise par l'Association Nationale des Acteurs de l'Ecole (An@é) dans son article "Descolariser l'école", publié sur le site Educavox. Pour l'An@é, les acteurs du système éducatif négligent les activités électives des élèves. Considérant que ce qui n'a pas été appris à l'école "n'est pas un savoir", les enseignants hésiteraient à s'appuyer sur les pratiques extrascolaires de leurs élèves. L'An@é estime que cette attitude est "un facteur important de construction des inégalités et d’échec scolaire".

Raphaël Groulez

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