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Dangers de l'internet : il faut réapprendre le jeu estime S. Tisseron, qui invite les écoles et les villes à créer des sites spécifiques

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Justice le mardi 10 janvier 2012.

Une campagne de sensibilisation au cyber-harcèlement sera lancée dans quelques jours, a annoncé Luc Chatel lors du l'ouverture, ce mardi 10 janvier, d'un colloque sur "les jeunes et la toile". Pour Eric Debarbieux, elle est "remarquable" en cela qu'elle s'adresse aux témoins. En effet, les harcelés comme les harceleurs ne parlent pas, et c'est chez les pairs qu'on peut développer l'empathie. 

Pour le président de l' "Observatoire international de la violence à l'école", professeur à Paris-XII Créteil, les jeunes "s'éduquent eux-mêmes", entre pairs, un peu comme dans "La Guerre des boutons", où les parents donnent la raclée finale, mais où l'essentiel des apprentissages se fait au sein du groupe. Rejoint sur ce thème par Serge Tisseron, psychiatre (Paris-X), il estime que "nous avons rêvé" au cours des 40 dernières années, "une famille close", où les parents éduqueraient leurs enfants... L'internet crée un nouveau "terrain vague", où les jeunes se retrouvent entre eux. 

Le psychanalyste note que les jeunes enfants, de tous les milieux sociaux, sont confrontés très tôt à des images violentes, et qu'ils risquent de "s'engager très vite dans un profil de victime ou de harceleur". Il se demande d'ailleurs ce qui est premier, s'il n'y aurait pas moins de "harceleurs" s'il y avait moins de "victimes". C'est dès la maternelle qu'il faut "casser ce risque d'identification", quand les rôles ne sont pas encore distribués, que les enfants passent de l'un à l'autre. 

Pour cela, il invite les écoles, mais aussi les villes et les collectivités à "encourager les productions numériques des jeunes", par exemple en créant des sites où ils pourront poster leurs images ou leurs films. Elles pourraient aussi créer des sites d'échanges. Les jeunes ont en effet le désir de "se passer du réseau familial traditionnel" et de créer le leur. C'est un "fantasme", car "on ne compense pas les réseaux manquants". Dès lors, ils ont tendance à "se caricaturer". S'ils expliquent que certains jours, ils vont bien, et moins bien d'autres jours, ils n'intéresseront personne. Mais s'ils sont désespérés et recherchent les moyens de se suicider, ils obtiendront plus de retours. 

Serge Tisseron invite donc à relativiser les dangers de l'internet. Il refuse d'ailleurs de parler d' "addiction aux écrans". Certes, les jeunes peuvent y prendre des risques, mais ceux-ci sont moindres que lorsqu'ils utilisent leur mobylette pour voir reconnus leur courage et leur habileté. Il ne les méconnaît pas pour autant. D'une part, il modifie la relation à la connaissance, il privilégie le tâtonnement et l'intuition, et non pas l'hypothético-déductif comme à l'école, qui aurait tout intérêt, non pas à renoncer à sa rationalité, mais à "expliquer cette différence". Il faut d'autre part "réapprendre le jeu". Telle "agression" dans la cour de récréation est en fait une tentative maladroite pour "jouer" un combat de catch vu à la télévision la veille. "Le rituel du 'pouce' n'existe plus". 

Il ne croit pas en revanche aux solutions simples. Mieux vaut, estime-t-il, travailler avec les élèves sur des téléphones portables, qu'ils trouvent d'ailleurs plus intéressants à terme que les tableaux interactifs, que les interdire, ce qui générerait plutôt une augmentation plutôt qu'une diminution de la violence, ajoute Eric Debarbieux. 

Car le cyber-harcèlement peut être extrêmement dur. Il change de nature quand il passe sur la toile dans la mesure où le jeune "n'a plus aucun espace où se réfugier", et que les frontières entre le monde scolaire et la sphère privée sont abolies, dans la mesure aussi où le harceleur peut être anonyme. Et il s'accompagne d'une "culture du silence". Un chef d'établissement rapporte que des parents sont venus le voir pour dénoncer la situation de leur fils, mais ont ajouté "ne le dites pas, nous ne voulons pas de représailles". D'où l'intérêt d'une campagne de communication qui touche les témoins, mais aussi de retrouver "l'esprit de controverse, de discussion dans les établissements scolaires".

Le programme du colloque, ici

 

 

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