5èmes Assises de la protection de l'enfance : Que deviennent les enfants?
Paru dans Petite enfance, Périscolaire, Justice, Orientation le jeudi 15 décembre 2011.
"La fin brutale de la prise en charge à 18 ans pose problème. On constate la précarisation de la population des 18-25 ans. Or, la scolarité n'est pas un fait mais un droit. Peut-être qu'une des solutions serait qu'ils soient au moins éligibles au RSA." C'est ainsi qu'Ivan Jablonka, maitre de conférences en histoire contemporaine et rédacteur en chef de La vie des idées, résume l'atelier auquel il a participé lors des 5èmes assises de la protection de l'enfance qui se sont déroulées les 12 et 13 décembre. Intitulées "Que deviennent les enfants?", ces Assises soulignent qu' "on s'interroge fréquemment sur le fonctionnement des dispositifs mais rarement sur l'impact réel des réponses sur l'enfant. Or, ni la loi du 5 mars 2007 ni celle du 2 janvier 2002 n'ont pu encore favoriser ce type d'évaluation sans laquelle aucune amélioration n'est possible."
Véronique Nahoum-Grappe, antropologue à l'EHESS propose d'autres solutions pour "cette population accrue de jeunes en grande difficulté, les 'incasables' qui arrivent à leur majorité détruits. Il faut changer la culture de la prévention et notamment la question du droit à l'erreur. On leur demande de se projeter dans l'avenir, d'avoir un projet professionnel alors que ce sont les plus perdus. C'est l'âge où l'on découvre la philosophie et les nuits blanches... Et ceux de leur âge, plus privilégiés, cherchent parfois leur voie jusqu'à 30 ans et ont droit à plusieurs chances." Elle ajoute "Nous sommes tous d'accord qu'il faut un travail en amont et en aval, dans la durée et au cas par cas. Et qu'il faut décloisonner les problématiques, les professionnels doivent mieux se connaître et créer un cadre cohérent pour mettre les jeunes en confiance. Il faut s'appuyer sur la déontologie plutôt que sur les bons sentiments."
Pierre Levy Soussan, pédopsychiatre, aborde un autre problème soulevé à maintes reprises lors de ces Assises : la question du placement. "L'intérêt de l'enfant" est une notion floue, qui fait intervenir la subjectivité de celui qui fait le choix. Il est important de prendre en compte toutes les options : administrateur ad hoc, tiers digne de confiance. Mais l'enfance dure peu -jusqu'à 12 ans ? - et l'adoptabilité psychique aussi. L'adoption ne doit pas intervenir trop tard. En outre, on a vu que la décision de placement énoncée par le juge est parfois un soulagement pour les enfants et, peut-être aussi pour les parents." A ce sujet, Véronique Nahoum-Grappe propose l'utilisation des récits de vie "pour désamorcer la violence, le ressentiment. Le récit d'une trajectoire rend tout de suite plus humain."
Pour Jean-Marie Muller, président de la Fnadepape (fédération nationale des associations départementales d'entraide aux pupilles et anciens pupilles de l'Etat), le problème est avant tout une absence de volonté politique ou celle de faire des économies. "Car la prise en charge de ces jeunes et leur placement coûtent cher." "Il faut également rappeler, dans un climat néolibéral utilitariste, que la suppression des allocations aux familles ne supprimera pas la violence. Au contraire. Il faut des pratiques constructives, restauratrices, de la part des sphères judiciaire, éducative et clinique. Et cela nécessite un moment politique qui impulse et soutienne ce mouvement." conclut Denis Salas, ancien magistrat et enseignant à l'école nationale de la magistrature.
Ivan jablonka, "Ni père ni mère. Histoire des enfants de l’Assistance publique (1874-1939)", Seuil, 2006 et "Les Enfants de la République. L’intégration des jeunes de 1789 à nos jours", Seuil, 2010.
Denis Salas "La Volonté de punir; essai sur le populisme pénal", Pluriel, 2010.
Pierre Levy-Soussan, "Destins de l'adoption", Fayard, 2010.
Site de la Fnadepape ici