Manuels numériques : des progrès et des freins (Savoir-Livre)
Paru dans Scolaire le mardi 22 novembre 2011.
Un millier des quelque 6 000 enseignants qui ont répondu à l'enquête lancée par "Savoir-Livre" ont utilisé un manuel numérique en 2011, essentiellement au collège et au lycée (un professeur sur cinq). Pour plus de la moitié, ils s'y sont mis depuis moins d'un an, ce qui fait dire aux éditeurs scolaires que "les usages gagnent du terrain". L'enquête montre d'ailleurs que les enseignants l'utilisent de plus en plus, au moins pour un cours sur deux pour la moitié de ceux qui en font usage. Ils sont peu nombreux (9 %) à penser que d'ici 3 à 5 ans, le manuel numérique se substituera au papier, mais la plupart pensent que se développeront les différences et les complémentarités.
Ils utilisent essentiellement le manuel numérique par le biais de la vidéoprojection : ils ne sont que 13 % à disposer d'une licence pour que les élèves y aient accès sur un ordinateur de l'établissement, et 7 % à passer par un ENT (environnement numérique de travail). Ils se heurtent alors à la nécessité de passer par des mots de passe, de franchir d'eventuels "firewalls", et se heurtent parfois à des problèmes d'incompatibilité. Quant à l'usage par les élèves chez eux ou en classe, il suppose qu'ils soient convenablement équipés : "on est encore très loin d'un usage individuel", commente ce regroupement d'éditeurs scolaires (Belin, Bordas, Hachette, Hatier, Magnard et Nathan).
Les manuels numériques sont, pour les éditeurs concernés, vendus avec le manuel papier, et représentent à l'achat un surcoût de 25% environ, soit 4 à 6 €, sachant qu'ils seront utilisés pendant 4 ans, comme leurs homologues papier. L'alternative est la licence pour la classe, et donc pour un usage collectif, pour un prix de 80 à 100 €. Mais le tout ne représente que 1 % du chiffre d'affaires des éditeurs, la progression des usages s'explique surtout par les offres d'essai gratuites. Il s'agit donc d'un "investissement très fort de leur part". Ils testent diverses formules, doivent acquérir les droits numériques pour les illustrations, rémunérer les animations et acheter ou mettre au point les logiciels qui en permettent la lecture. Ils en appellent à "une impulsion de tous les acteurs" et font remarquer que les collectivités se sont plutôt préoccupées, jusqu'à présent des équipements que des ressources. Le ministère de l'Education nationale annonce d'ailleurs qu'il a "décidé d'avancer le lancement du second appel à projet du plan de développement des usages du numérique à l'École" et qu'un courrier "vient d'être adressé aux 17 académies" qui n'avaient pas été retenues lors du premier appel à projet lancé en février 2011 (ici).
Les éditeurs de Savoir-Livre sont convaincus que l'introduction du numérique dans les classes suppose un accompagnement des enseignements, et ne s'inscrit pas dans une logique de rupture par rapport aux pratiques pédagogiques. Ils font remarquer que, contrairement aux pays anglo-saxons pour qui le numérique est d'abord la mise à disposition de ressources, la France a choisi de conserver la structuration liée aux manuels. Pour eux donc, les résultats, plutôt décevants, qui y sont observés ne peuvent être transposés chez nous, où nous n'avons de toute façon pas un recul suffisant pour juger.
L'enquête est téléchargeable ici.