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La "crise" en éducation: comment la comprendre, comment en sortir ? (Colloque de l'AECSE)

Paru dans Scolaire le samedi 29 octobre 2011.

"Je vous donne 60 000 postes pour faire ce qui ne marche pas, c'est une position réactionnaire". Mais il ne serait pas réactionnaire de dire, "je vous donne 60 000 postes pour inventer autre chose". C'est sur ce propos que François Dubet a conclu son intervention lors de l'ouverture du  colloque de l'AECSE (association des enseignants et des chercheurs en sciences de l'éducation) qui se déroule à Nanterre et qui a pour thème "la crise et/en éducation" (voir ToutEduc, ici). Pour le sociologue, le sentiment qu'il y a crise de l'école est particulièrement exacerbé en France, parce que "la massification a déçu", d'autant qu'elle était portée par un syllogisme absurde, "ceux qui ont des diplômes ont du boulot, si tout le monde avait un diplôme, tout le monde aurait du boulot...". De plus, il est aujourd'hui clair que notre système scolaire "en rajoute sur les inégalités sociales". Mais ceux dont les enfants en profitent le défendent au nom de la défense de la culture, tandis que ceux qui en sont les dupes n'ont pas la légitimité voulue pour le critiquer. "Ils la bouclent, ou ils mettent le feu, ou ils n'y vont plus ."

A cela s'ajoute le sentiment d'une impuissance du politique : "les réformes s'accumulent... au petit bonheur la chance", tandis que l'Ecole ne peut plus prétendre incarner la Nation. L'Ecole de Jules Ferry, fondée sur un mode de socialisation proche de celui de l'Eglise, où le maître incarnait l'autorité de l'institution, avait davantage pour fonction de faire des Français que de leur apprendre à lire. Aujourd'hui, cette sacralité ne fonctionne plus. L'Ecole bénéficie encore d'une "confiance théologique", mais pas d'une confiance pratique.

Critiquant "un système très faiblement piloté", la déstabilisation des acteurs, notamment des enseignants, l'externalisation des difficultés ("comme si un hôpital envoyait les maladies nosocomiales à un autre hôpital"), François Dubet estime que nous devons "sortir d'une théologie scolaire" revoir la formation des enseignants, faire des établissements scolaires "des communautés d'adultes" et cesser de projeter sur les autres nos ambitions : "On s'imagine que les enfants d'ouvriers veulent être enseignants et accéder à la classe moyenne supérieure. On ne pense pas qu'ils puissent vouloir être des ouvriers professionnels bien formés et bien rémunérés."

Jacques Pain a vécu la création des sciences de l'éducation dans les années 66-67 : "Elles sont nées dans la crise, dans la rupture." Il évoque une "transdiscipline", une "in-discipline" qui réunissait 18 disciplines différentes pour constituer "un objet difficile à définir", "une hérésie pour l'homo academicus".

Michel Watin, professeur à l'université de la Réunion, fait l'éloge du métissage, et donne l'exemple d'une société profondément déséquilibrée, mais où "la famille élargie" permet de "faire avec". L'école "horizontalise" en consacrant les divisions sociales, tandis que la famille "vertisalise" en réunissant à l'occasion de pique-niques, des personnes de conditions ou de couleurs de peau très diverses.

Parmi les communications faites dans les divers ateliers, et qui sont toutes accessibles sur le site de l'AECSE (ici), à noter celle de Béatrice Mabillon-Beaufils (université de Cergy-Pontoise) qui a écouté parler des enseignants, et qui note que les deux mots qui reviennent le plus souvent sont "avant" et "règles"; celle de Christiane Montandon, qui constate une "inflation des dispositifs d'aide", comme autant de "rustines pour colmater les problèmes", ou celle d'Annie Vinokur qui signale que les cadres des grandes sociétés informatiques, type Google, mettent leurs enfants dans des écoles sans ordinateurs, où le calcul mental et le "par-coeur" sont valorisés. Pour elle, l'éducation est devenu "le plus juteux des marchés", d'autant que se mettent en place, avec les TICE, une école "low cost".

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