SNUIPP: une université pour redonner aux enseignants une image positive de leur métier (S. Sihr)
Paru dans Scolaire le dimanche 23 octobre 2011.
"Le seul discours syndical de ces trois jours est celui que je tiens lors de l'ouverture", affirme Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUIPP, à propos de l'université d'automne que le syndicat FSU des enseignants du premier degré organisait comme chaque année au début des vacances de la Toussaint, mais pour la première fois à Port-Leucate (Aude). Quelque 3 à 400 personnes se pressent pour assister, dès 8h30, à des conférences (ou à des tables rondes organisées par la Ligue de l'enseignement), où il est n'est jamais question de salaires, ou de statut, et où les conditions de travail ne sont évoquées que lorsqu'elles ont une incidence sur sa qualité. "Mais nous faisons encore du syndicalisme", continue Sébastien Sihr : "Les enseignants rencontrent des chercheurs, des universitaires, avec lesquels ils réfléchissent à leur métier", ce qui leur donne une meilleure image d'eux-mêmes et de leur profession.
C'est d'autant plus vrai que les conférenciers n'hésitent pas à descendre dans l'arène. Philippe Joutard, ancien recteur et ancien président du groupe d'experts qui a rédigé les programmes de l'école primaire en 2002, dénonce ainsi "le populisme pédagogique" de ceux qui opposent aux "fondamentaux" du lire-écrire-compter, "le luxe inutile" de l'éducation artistique, alors que celle-ci est tout aussi fondamentale, voire plus encore, , s'exclame un autre intervenant, puisqu'elle serait le fondement sur lequel construire ces "fondamentaux".
D'autres répondent directement à leurs inquiétudes quotidiennes. Valérie Barry (psychosociologue) décrit par le menu, devant une salle comble, les stratégies, très efficaces, qu'elle a mises en place pour faire travailler des élèves ayant de très graves troubles du comportement, et qui ressemblent à certain de ceux que les enseignants retrouveront dans leurs classes début novembre.
Certaines questions resteront sans réponse. Une enseignante d'une petite école en milieu rural explique que chacune des classes est équipée d'un tableau-blanc interactif, que c'est formidable, qu'on ne peut plus s'en passer, qu'on accède immédiatement à des ressources inespérées quand on est très loin de tout musée, qu'on vit donc rideaux constamment tirés, et qu'on ne sort plus de l'école, d'autant que la moindre sortie coûte 400 € de transport, et que la lampe de l'un des projecteurs est grillées, et qu'elle coûte 700 €. Elle ajoute que cet équipement induit une pédagogie frontale. Comment choisir entre l'accès, indispensable, à la culture numérique, et la rencontre avec les oeuvres ? Comment ne pas se laisser imposer par la technique une forme d'enseignement ?
Ce sont parfois les conférenciers qui s'interrogent à haute voix, tel Eirick Prairat, qui se demande quel corps enseignant pourrait porter une réflexion sur ce lieu qu'est l'école, et qui ne peut être pensé ni sur le modèle du couvent, ni sur celui de la caserne, ou de la Cité politique, et porter ensuite un code de déontologie pour l'enseignement.
Dans les couloirs, les enseignants évoquent la quasi disparition de la formation continue. Alors que, syndicalement, ils réclament de pouvoir participer à des stages sur leur temps de travail, ils paient pour celui-ci 102 €, auxquels s'ajoutent le prix du transport, et ils prennent sur le premier week-end de vacances de l'année, pour une formation qui ne leur vaudra aucune reconnaissance de l'institution.