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Ce que Pisa nous apprend, et ne nous apprend pas (IFé)

Paru dans Scolaire, Orientation le mardi 18 octobre 2011.

Les résultats de PISA (programme pour l’évaluation internationale des élèves) suscitent depuis 2001 "un flot croissant de commentaires", constate Olivier Rey dans un "Dossier d'actualité" du service "Veille et Analyses" de l'IFé (ex INRP) qui rappelle que la première enquête a été réalisée en 2000, par un consortium dirigé par l’Australian Council for Educational Research. 63 pays participaient à l’évaluation en 2009.

Toutefois, conclut le dossier, "personne ne revendique d’aller vers un système éducatif 'universel' dont PISA serait la pierre de touche", et si tout le monde s'accorde sur "l’intérêt de confronter les solutions des différents pays à des problèmes qui sont souvent communs", encore faut-il "éviter les conclusions rapides", alors que les responsables politiques et éducatifs peuvent être "conduits à des confusions, mélangeant les facteurs, les effets et les causes".

Le dossier décrit assez précisément les modalités d'administration du test: "L’ensemble des items d’une évaluation représente environ sept heures" et chacun des élèves des échantillons nationaux "doit y participer 2 heures". Les items sont organisés "sur la base de situations de la vie réelle", et pour la moitié d'entre eux se présentent sous la forme de QCM, les autres "exigeant la construction d’une réponse". Les élèves doivent en outre répondre à un questionnaire "sur eux-mêmes et leur milieu familial", tandis que les chefs d’établissement répondent à des questions sur leur institution.

PISA "a réussi à définir des références communes entre pays aux traditions scolaires profondément différentes (...) en se fixant délibérément comme objectif d’évaluer les compétences indispensables que tout jeune devrait maitriser, à un âge correspondant à peu près à la fin de la scolarité obligatoire dans la plupart des pays développés".

Le dossier s'interroge aussi sur les effets politiques de Pisa dans différents pays. En Allemagne, les résultats de l’enquête ont provoqué "une remise en cause de la perception qu’avaient les allemands de leur système éducatif, voire même de leurs valeurs sociales et culturelles". Les réformes se sont focalisées sur les standards nationaux, les mesures d’assurance qualité, l'enseignement centré sur les compétences, mais "il y a eu peu de débat sur la question sensible de la sélection des élèves à l’entrée de l’enseignement secondaire outre-Rhin, alors même que de nombreux experts attribuent justement une grande partie des mauvais résultats allemands dans PISA au tri trop précoce des élèves entre des filières fortement différenciées".

"En République tchèque les résultats de PISA n’ont débouché sur aucun changement d’ampleur, la sélection précoce mise en place au début des années 90 bénéficiant d’un soutien majoritaire des élites, des médias et des parents."

Aux Etats-Unis, les résultats de PISA "n’ont reçu quasiment aucun écho", ils ne faisaient que confirmer ce que chacun savait déjà. Au Danemark, une dizaine de tests nationaux a été introduite depuis 2007, sur des thèmes variés et à différents niveaux de la scolarité. Au Portugal, le gouvernement a utilisé l’enquête de l’OCDE "pour justifier plusieurs réformes éducatives". En Hongrie, "tout semble en place pour un 'choc PISA' comparable" à celui qu'a connu l’Allemagne.

En Finlande, le ministère s'inquiète du faible nombre d'élèves "très performants" et envisage "des mesures pour mieux prendre en compte les étudiants précoces ou très doués".

On trouve en France, "toute une série d’écrits à visée polémique visant à déconstruire le 'modèle finlandais', de l’article de type universitaire [comme ceux de Nathalie Bulle] jusqu’à des blogs prêtant à un faux universitaire finlandais (Taksin Nuoret, introuvable en Finlande et dans tout annuaire universitaire...) toute une théorie attribuant à la langue finnoise les bons résultats de la Finlande dans PISA". Dans notre pays, les résultats ont été plutôt ignorés jusqu'en 2007. Ils sont alors "fortement mobilisés par le nouveau gouvernement, en particulier par le ministre de l’Éducation Darcos".

La France se situe "régulièrement juste en dessous de la moyenne OCDE" : le score en compréhension de l’écrit est en baisse entre 2000 et 2009 et la France passe du 10ème rang sur 27 en 2000, au 17ème rang sur 33 en 2009. "Cette baisse des performances concerne également la culture mathématique (- 14 points entre 2003 et 2009). Le score moyen est en revanche stable en culture scientifique entre 2006 et 2009." La proportion d'élèves au niveau 2, en-dessous duquel les compétences minimales ne sont pas maîtrisées, "a tendance à s’accentuer", mais si on ne retenait dans l'échantillon que les élèves qui n'ont pas redoublé, "la France figurerait facilement dans le peloton de tête".

Les jeunes français "semblent plus compétents lorsqu’il s’agit de prélever des informations dans un document ou de restituer des connaissances que lorsqu’on leur demande de mobiliser leurs connaissances et d’exercer leur esprit critique pour affronter des situations qui sortent du cadre scolaire". Ils "ont une tendance plus forte que dans les autres pays à s’abstenir de répondre aux questions à réponses construites, alors qu’ils réussissent mieux aux questions de type QCM (...) c’est peut-être dans le domaine de l’expression écrite (...) que nos élèves éprouvent le plus de difficultés (...) ils essayent systématiquement de relier toute question à des routines scolaires et préfèrent s’abstenir de répondre quand ils ont un doute sur le type de réponse à apporter." Les analystes y voient les effets d'un système qui "forme des élites en petit nombre pour un grand coût". 

En ce qui concerne les sciences expérimentales, les élèves français "ne sont pas familiers avec les types de questionnement utilisés dans PISA, qui relèvent de situations rencontrées dans la vie quotidienne, de l’environnement, des technologies liées à l’énergie". En mathématiques, "un certain nombre d’items vise à évaluer les compétences des élèves à utiliser des chiffres dans la vie réelle plus qu’à maitriser des savoirs mathématiques formels, ce qui explique une partie des moins bons résultats de l’échantillon français, ces élèves étant plus habitués à l’acquisition de concepts mathématiques qu’au détour par le langage 'de la vie réelle'."

On peut dire que la France "a adopté une solution d’intégration uniforme", avec un tronc commun long, des taux de redoublement élevés, des classes de niveau dans certains établissements dès le premier cycle du secondaire, et un nombre significatif de sorties du système éducatif sans qualification. Plus globalement, "les analyses suggèrent que les systèmes plus orientés vers des logiques de marché scolaire tendent à augmenter la ségrégation scolaire et sociale, alors que ceux qui sont caractérisés par des logiques de scolarité commune (école 'comprehensive') et de régulation publique, tendent à les réduire".

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