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La différenciation sociale des enfants: 3 études sur les conseils municipaux d'enfants, les activités périscolaires et les débats scolaires

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Culture le vendredi 14 octobre 2011.

On pourrait penser que les différences (et les luttes) de classes sociales épargnent le monde de l'enfance. Ce n'est d'ailleurs que depuis quelques années qu'aux Etats-Unis, et maintenant en France, des travaux de sociologie étudient l'enfance sous cet angle. Par exemple, si le football est considéré comme un divertissement par les enfants de milieu favorisé, la figure du footballeur professionnel exerce un fort pouvoir d'identification valorisante auprès des garçons des milieux populaires.

C'est ce qui ressort d'une enquête en cours (1) présentée dans le cadre d'une journée d'étude sur "la différenciation sociale des enfants" par l'équipe CSU du CRESPPA. Cette enquête rapporte des discussions collectives au sein de classes de CE1 et CM2 au cours d'un exercice de classement d'une série de métiers. Elles portent aussi sur la justification des différences de revenus entre les patrons et les ouvriers. Trois garçons de milieu défavorisés argumentent en faveur des ouvriers qui travaillent : "c'est grâce à eux qu'on a de la lumière" alors que les patrons "ne font rien". Une fille (classe moyenne supérieure) leur répond que le salaire du patron se justifie "parce qu'il a de grandes responsabilités". Enfin, quand un garçon explique par un argument religieux qu'il a classé le métier de boucher tout en bas "parce qu'il touche des corps", un élève lui répond dans un soupir méprisant : "tu n'as pas le droit de dire ça." Ce dernier a "toute la force de l'institution scolaire derrière lui" et on voit que tous les arguments ne se valent pas, soulignent les enquêteurs.

D'ailleurs, les enfants ont bien conscience de la force arbitraire de certains arguments  et les enquêteurs observent que les enfants des milieux défavorisés souhaitent devenir agent du FBI, policier, professeurs ou tireur d'élite, des métiers qui permettent, selon les enfants, d'exercer un pouvoir arbitraire sur autrui.

Une autre enquête (2) se déroule autour des activités artistiques et sportives des enfants dans des associations d'un quartier défavorisé. Les enquêteurs rencontrent 40 familles, dont 30 viennent en réalité de quartiers périphériques plus favorisés, dont les parents sont cadres. Les choix des 10 familles populaires se portent exclusivement sur les activités sportives au détriment des activités artistiques. Sauf pour trois d'entre elles, dont les mères sont assistantes maternelles. On peut penser que la formation qu'elles ont reçu les a sensibilisées au développement personnel de l'enfant et qu'elles subissent l'influence des mères dont elles gardent les enfants. Cependant, dans deux cas sur trois, cette "bonne volonté culturelle" ne suffit pas à produire un engagement durable dans l'activité.

La dernière enquête (3) porte sur les conseils municipaux d'enfants. L'objectif affiché de ces conseils créés dans les années 1980 est de permettre aux enfants de s'exprimer sur des sujets qui les concernent et l'apprentissage de la citoyenneté. Le discours des adultes encadrant les CME (maire, élus, éducatrices…) est "enchanté" : les intérêts politiques présumés des enfants sont volontairement déconnectés des clivages sociaux. Par exemple, le maire explique que "pour les enfants, rien n'est impossible, on a beaucoup à apprendre des enfants, ils ont encore des rêves…" Les éducatrices décrivent un monde social aseptisé en imposant des thèmes comme l'environnement, la protection des personnes âgées, la propreté de la ville… Tout en se convainquant que ces revendications viennent des enfants. Elles imposent une vision normative de la démocratie et de ses acteurs. Par exemple, un élu se juge sur son programme et un électeur vote en fonction de l'intérêt général. Or, l'enquête révèle que, comme chez les adultes, il existe une pluralité de rapport au vote. L'enquêteur, qui interroge les enfants à la sortie du bureau de vote sur les raisons pour lesquelles ils ont choisi leur candidat donne des réponses telles que "j'ai choisi en fonction du programme", "selon mon cœur", "j'aime les longs discours", "j'aime sa façon de parler", "comme mon copain", "ma mère aime l'environnement" ou encore "je ne sais pas"… La compétence politique aussi varie en fonction du milieu social. L'enquête révèle que l'élection exclut une bonne part des candidats issus de milieux défavorisés et que les réunions de travail excluent de la participation ceux qui avaient malgré tout passé ce premier cap.

 (1)"Quand les enfants parlent le monde social. Enquête sur les jugements et les classements enfantins",  Julie Pagis (CERAPS, CNRS-Lille 2) et Wilfried Lignier (CMH-ETT, ENS-CNRS-EHESS)

(2)"Le rôle des pratiques culturelles et associatives des enfants dans la formation des habitus de classes", Chritine Mennesson (SOI, univ. Toulouse 3) et Samuel Julhes (SOI, univ. Bordeaux 2)

(3)"Des compétences politiques dès l'enfance? Les divers rapports au politique révélés au sein des conseils municipaux d'enfants", Damine Boone (CERAPS, CNRS-Lille 2)

Ces résultats ont été présenté dans le cadre d'une journée d'étude organisée par le CSU du CRESPPA intitulée "La différenciation sociale des enfants". Les résultats définitifs de ces enquêtes donneront lieu à la publication d'un numéro spécial de la revue Politix (ici) dans le courant de l'année 2012.

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