Formation des enseignants: un rapport d'une rare sévérité
Paru dans Scolaire le vendredi 14 octobre 2011.
"Les deux ministères concernés par [la réforme de la formation des enseignants] n’ont aucunement mis en place les outils de supervision qui permettraient aujourd’hui d’avoir une vraie connaissance de la réalité du terrain." Le "rapport Jolion", du nom du président du "comité de suivi du cursus master" qui l'a rendu au ministre de l'enseignement supérieur, est d'une rare sévérité, dans le ton et dans le fond. En voici quelques citations.
FORMATION PROFESSIONNELLE. "Comme le rappelle le site web du ministère de l’Education nationale : 'L’objectif (de la réforme) est d’améliorer la formation des futurs enseignants et de leur faire acquérir une plus grande qualification professionnelle.' Ce qui suit incite plutôt à penser que justement, la qualification professionnelle est le parent pauvre de cette réforme (...) [Le] sentiment de déconnexion entre le concours et le métier est unanimement ressenti et regretté par les étudiants."
"Alors que toutes les politiques de l’Etat conduisent (...) les établissements d’enseignement supérieur et de recherche à se rapprocher des recruteurs du monde socio-économique (...), l’Etat est incapable de donner le bon exemple sur un secteur où il est le principal recruteur."
VIVIER. "Il est nécessaire de publier, chaque année, un plan de recrutement des personnels enseignants couvrant une période de cinq ans (...) Cette réforme allonge la durée de formation non rémunérée (...) Des dispositions appropriées doivent favoriser la diversification des populations candidates à l’enseignement. L’origine sociale des enseignants doit être le reflet de la diversité des populations de notre pays."
"Pour les filères conduisant aux concours des professorats des lycées professionnels (CAPLP) et de l’enseignement technique (CAPET), l’application de la mastérisation est un élément de trés forte fragilisation notamment car elle écarte tout un vivier de candidats issus du milieu professionnel."
"La première urgence est de prévoir le devenir des étudiants qui ne seront pas admis au concours et qui valideront le diplôme de master."
ALTERNANCE. "Si de nombreux projets de formation en 'alternance' sont mis en place à cette rentrée, aucun ne semble complètement abouti à ce jour."
STAGE. "L’existence du stage, sa durée, son contenu. . . sont des éléments qui devraient pouvoir se définir en regard des objectifs de la formation. Malheureusement, les contraintes budgétaires de l’employeur rendent très aléatoires la durée des stages en responsabilité (...) On n’accepterait en effet dans aucun master à finalité professionnelle de telles 'injonctions' de la part des entreprises ou de n’importe quelle structure d’accueil."
CONCOURS. "Le concours reste le point central de toutes les attentions au sein des nouveaux cursus bien avant le diplôme préparé, i.e. le master. A ce titre, il est important de constater que si le positionnement des concours a évolué, leurs contenus ne tiennent absolument pas compte de l’articulation nécessaire avec le diplôme de master et plus grave encore, ils sont perçus par les étudiants comme complètement déconnectés de l’exercice réel du métier d’enseignant (...) Il est nécessaire que soient enfin étudiées les modalités d’une prise en compte d’une expérience professionnelle et donc des stages dans le processus de recrutement."
ETUDIANTS. "La motivation de tous les étudiants rencontrés est vraiment très importante et l’on peut facilement penser que cette motivation est de loin la cause la plus forte du non effondrement du nouveau dispositif. Chaque étudiant a un vrai projet professionnel qui est devenu de fait un vrai projet personnel. Mais la difficulté est telle pour satisfaire toutes les contraintes que s’est installée une grande souffrance dans cette population étudiante."
Le rapport n'est pas diffusé par le ministère de l'Education nationale. Il est téléchargeable ici.