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Droit de l'élève: lignes à copier, confiscation d'un portable... un guide pratique recense ce qui est légalement autorisé ou interdit en milieu scolaire

Paru dans Scolaire, Orientation le mardi 30 août 2011.

Valérie Piau est avocate au barreau de Paris. Dans "Le droit de l’élève, à l'école, au collège, au lycée", elle présente, sur la base d'exemples concrets étayés par des cas de jurisprudence, ce qui est légalement autorisé et interdit à l'École. Donner des lignes en guise de punition, un zéro pour absence à un contrôle, un point en moins pour cause de bavardage, une orientation en filière professionnelle contre sa volonté pour un élève de lycée, confisquer un téléphone portable... sont des pratiques contraires aux textes de l'Éducation nationale elle-même. Pour l'auteur, ce livre, qu'elle destine aussi à la communauté éducative, ne répond pas à une volonté de judiciarisation de l'éducation mais doit permettre de "tuer les conflits dans l'œuf".

ToutEduc: Qu'est-ce qui a motivé l'écriture de cet ouvrage?

Valérie Piau: Je traite depuis 7 ans de nombreux cas qui relèvent du droit de l'éducation. Je constate que les gens ne connaissent pas leurs droits et que peu d'entre eux savent qu'il y a un Code de l'éducation. Or, nombre de conflits naissent de la méconnaissance des droits et obligations. Le fait de connaître ceux-ci permet de dédramatiser et d'éviter des conflits. On peut ainsi résoudre le problème par un simple courrier alors que dans tous les autres domaines il faut souvent des mises en demeures, des assignations et cela dure des années. Je consacre par exemple tout un chapitre aux décisions d'orientation et y explique que plutôt que de saisir la commission d'appel, il est plus utile de discuter avec le chef d'établissement et je donne les arguments à développer. Quand on s'y prend de cette manière, beaucoup de décisions d'orientation sont changées sans recours. Je me suis vraiment inscrite dans une démarche d'information et non de judiciarisation. Ce livre se veut être un outil pratique pour résoudre les problèmes.

ToutEduc: Quelles sont les règles actuellement les moins appliquées?

Valérie Piau: Baisser une note pour un problème de comportement ou donner un zéro pour problème d'absence est totalement interdit depuis 10 ans. On n'a pas le droit de donner des lignes en punition. Quand on punit, il faut aussi expliquer pourquoi... Un chef d'établissement doit rencontrer systématiquement l'élève pour lui expliquer ce qu'on lui reproche. Le Rapport Bauer de 2010 (téléchargeable ici) dit que ces règles de droits ne sont pas suffisamment appliquées, notamment concernant les sanctions, ce qui peut, du coup, contribuer à créer de la violence. Le livre sort d'ailleurs au moment où le décret du 24 juin 2011, qui fait suite à ce Rapport, doit être mis en œuvre. Parmi les innovations de ce décret, figure le renforcement de ce principe du contradictoire qui régit notre système judiciaire. Le chef d'établissement doit informer l'élève des faits qui lui sont reprochés et ce dernier a trois jours pour y répondre. Le problème est que donner la voix à l'élève est perçu comme une remise en cause de la parole du professeur. Or cela ne veut pas dire qu'on lui donne raison mais l'occasion de s'expliquer. Le contradictoire sert justement à ce qu'on comprenne bien la sanction. On met ainsi le nez de l'élève dans le règlement intérieur. Dans le cas contraire, on prive d'effets les sanctions.

ToutEduc: En quoi pensez-vous que ce livre pourra être utile aux uns et aux autres?

Valérie Piau: Côté parents, j'ai vraiment constaté une carence d'informations. De plus, aller voir un avocat coûte cher. Ce livre est une façon de démocratiser un peu le conseil en droit de l'éducation. C'est plein d'informations pratiques [et doublées de modèles de lettres en annexes, NDLR] et la démarche est plus facile que d'aller voir un professionnel. Démarche que je poursuis aussi sur le site www.cabinetpiau.fr. Les enseignants ont aussi tout intérêt à être "carrés". L'idée est vraiment de faire du préventif dans l'intérêt de tous. Par exemple, exclure un élève dans le couloir est interdit. Un élève peut faire n'importe quoi. Il doit être pris en charge par la Vie scolaire, sinon c'est un défaut de surveillance. On a d'ailleurs vécu récemment un triste fait divers suite à une exclusion d'une classe [en mai dernier, dans une école d'Arles, un enfant de CM2 est retrouvé pendu au porte-manteau du couloir où il avait été "mis au coin" par son enseignante, NDLR]. Connaître cette règle c'est aussi une façon, pour un enseignant, de se protéger.

Il ne s'agit pas tant de moraliser mais de réguler certaines tensions en faisant connaître les grands principes de l'éducation. Si chacun est informé de ses droits, sait où il va et où sont ses limites, on ira dans le sens de l'amélioration pour tout le monde, d'une auto-régulation. Car logiquement il y aura moins d'irrégularités. Il faut surtout permettre que soit appliqués la proportionnalité de la sanction et le contradictoire, c'est-à-dire le fait de demander à un enfant de se défendre. C'est d'ailleurs un des principes généraux du droit, repris dans la circulaire de juillet 2000: on vous explique, on attend ensuite vos explications. Je suis vraiment très étonnée de voir que personne ne connaisse ses droits et obligations! Or, mieux expliquer la sanction permet qu'elle s'applique mieux. Beaucoup de problèmes et aussi de violence naissent de sentiments d'injustice, surtout si la décision de l'adulte est mal comprise. Si l'attitude de tous est "carrée", les conflits sont tués dans l'œuf.

ToutEduc: Cela ne risque-t-il pas de donner trop de pouvoir aux parents dans l'École?

Valérie Piau: Il faut vivre avec son temps. Nous ne sommes plus à l'époque des coups de règles sur les doigts. De plus, il y a vraiment une espèce de suspicion par rapport aux parents et c'est dommage. Le Rapport Bauer explique qu'un peu plus d'écoute aux familles permettrait d'apaiser les conflits. Il ne faut pas voir ça comme une ingérence. De la même manière, quand il y a sanction, il ne faut pas prendre toujours parti pour l'enfant. Mon livre ne prend pas systématiquement la défense des parents et des enfants. Il est d'ailleurs aussi destiné aux enseignants et chefs d'établissement. Ils peuvent y trouver le cadre, les règles qui sont de plus en plus complexes, sachant que l'on constate parfois une mauvaise application du droit. Faire que chacun les connaisse permet de mettre des gardes-fous. On demande à l'élève de respecter le règlement intérieur, il faut que l'adulte soit un modèle aussi. Sinon, cela crée un sentiment d'injustice.

ToutEduc: Vous consacrez un chapitre à la confiscation du portable en expliquant que c'est interdit...

Valérie Piau: L'idée n'est pas du tout de dire aux parents "donnez un portable à l'enfant". Le punir est normal! Mais il doit l'être conformément au règlement intérieur, par une retenue, un devoir, etc. Confisquer est un acte grave, c'est une atteinte au droit de propriété. Si on téléphone en conduisant, les policiers mettent une amende mais ne confisquent pas le téléphone!

"Le droit de l'élève, à l'école, au collège au lycée", François Bourin éditeur, 197 p., www.bourin-editeur.fr  

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