Justice des mineurs: la loi promulguée, les réserves du Conseil constitutionnel
Paru dans Justice le vendredi 12 août 2011.
La loi sur "la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs" a été publiée hier au JO (cliquez ici pour accéder au texte), ainsi que la décision du Conseil constitutionnel, sa saisine (1 et 2) et les observations du gouvernement. Voici des extraits de la décision du Conseil. Les députés et sénateurs requérants contestaient "les dispositions de l'article 38, relatives à l'assignation à résidence avec surveillance électronique, des articles 32 à 34 et 50, relatives à la saisine du tribunal pour enfants ou du tribunal correctionnel des mineurs, et de l'article 49, relatives au tribunal correctionnel des mineurs".
Sur le premier point, les requérants dénonçaient "une rigueur d'autant moins nécessaire que, par ailleurs, l'article 37 de la loi assouplit les conditions permettant de placer un mineur sous contrôle judiciaire". Le Conseil considère effectivement que, "en permettant l'assignation à résidence avec surveillance électronique des mineurs de treize à seize ans comme une alternative au contrôle judiciaire dans des cas où le mineur ne peut pas faire l'objet d'une mesure de détention provisoire, les dispositions contestées ont institué une rigueur qui méconnaît les exigences constitutionnelles".
En ce qui concerne la saisine du tribunal pour enfants, les requérants estiment que les dispositions prévues "permettent la convocation d'un mineur devant le tribunal pour enfants selon des modalités de la procédure pénale applicable aux majeurs". Le Conseil considère qu'effectivement le procureur pourra "faire convoquer directement un mineur par un officier de police judiciaire devant le tribunal pour enfants sans instruction préparatoire", mais que cette procédure est applicable pour des délits punis de trois ou cinq ans d'emprisonnement, si le mineur "a, antérieurement, été poursuivi", si "des investigations sur les faits ne sont pas nécessaires et si des investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies au cours des douze mois précédant la convocation". Ces dispositions "tiennent compte de l'âge du mineur, de la gravité des faits qui lui sont reprochés et de ses antécédents", et ne sont donc pas contraires à la constitution.
En ce qui concerne l'obligation de renvoi devant le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel des mineurs, les sénateurs requérants estimaient que cette obligation faite au juge de saisir la juridiction de jugement méconnaissait le principe fondamental reconnu par la République en matière de justice pénale des mineurs. Là encore, le Conseil, considérant "que les dispositions contestées ne sont applicables qu'aux mineurs de plus de seize ans qui ont été mis en examen (...) pour des faits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement et commis en état de récidive légale", estime que cette obligation "ne méconnaît pas les exigences constitutionnelles" en matière de justice des mineurs.
En ce qui concerne la "césure du procès pénal", une disposition qui permet de séparer "les débats sur la culpabilité des débats sur les mesures, les sanctions ou les peines" ainsi que les dispenses et ajournement, les requérants estiment que "ces dispositions permettent au procureur de la République de s'affranchir des conditions requises pour recourir à la convocation par officier de police judiciaire et à la procédure de présentation immédiate au seul motif qu'il entend requérir la césure". Le Conseil constitutionnel constate qu'effectivement le procureur pourra "faire convoquer ou comparaître directement un mineur devant le tribunal pour enfants ou le tribunal correctionnel des mineurs (…) malgré le caractère insuffisant des éléments d'information sur la personnalité du mineur", mais considère "qu'en pareil cas, la juridiction de jugement est tenue d'ajourner le prononcé de la mesure, de la sanction ou de la peine, notamment pour permettre que des investigations supplémentaires sur la personnalité du mineur soient réalisées". Il conclut que, "dans ces conditions, il n'est pas porté atteinte au principe fondamental en matière de justice pénale des mineurs".
En ce qui concerne le tribunal correctionnel des mineurs, le Conseil ne considère pas contraire à la constitution que "le jugement des mineurs soit confié à une juridiction composée de trois magistrats ou de trois magistrats et deux assesseurs dont seul le président est un magistrat spécialisé dans les questions de l'enfance", mais il ajoute que cette juridiction "ne peut être regardée comme une juridiction spécialisée". Or le mineur peut être convoqué ou amené à comparaître devant elle "sans instruction préparatoire". Il considère que "ces dispositions conduisent, en méconnaissance des exigences du principe fondamental en matière de justice pénale des mineurs, à ce que les mineurs ne soient jugés ni par une juridiction spécialisée ni selon des procédures appropriées". Enfin le Conseil reprend sa décision du 8 juillet (voir Justice des mineurs: le même magistrat ne pourra pas instruire et juger), par laquelle, en réponse à une QPC, il avait jugé que si le juge des enfants qui a instruit la procédure peut "prononcer des mesures d'assistance, de surveillance ou d'éducation", il ne pourra pas prononcer de peines. Ce juge ne pourra donc pas présider le tribunal correctionnel.