L'écriture, toute une histoire, et toute une pédagogie (dossier de l'IFE)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le dimanche 22 mai 2011.
"De nombreux pays s’inquiètent des difficultés des élèves en production écrite." Les résultats médiocres des jeunes français aux tests PISA en "compréhension de l’écrit" témoignent de ce qu'ils "répugnent à répondre de façon rédigée" ou à "exprimer une opinion personnelle". En Grande-Bretagne, plusieurs rapports officiels "s’alarment des résultats médiocres des élèves en production écrite" et aux États-Unis, 70% des collégiens et lycéens sont faibles en production écrit. Marie Musset propose ces constats dans un dossier d’actualité de l'IFé (ex INRP).
Or, en France du moins, une enquête menée auprès de 1 800 collégiens de l'académie de Rouen, montre qu'ils téléphonent, mais qu'ils écrivent des lettres, des chansons, des poèmes, des journaux intimes, et même, pour 20% d'entre eux, des récits, voire des romans entiers. Comment, sans tenter de "récupérer l’intime", établir "des ponts entre deux mondes qui s’ignorent"?
Dès lors se pose la question d'un apprentissage qui "soulève apparemment moins de questions" que celui de la lecture, et dont le dossier examine toutes les dimensions, en France et dans plusieurs pays anglo-saxons. "Beaucoup d’enseignants et de méthodes se focalisent sur l’acquisition de règles de grammaire et d’orthographe; cette tâche, il est vrai plus facile à enseigner et à évaluer, se fait au détriment d’une véritable réflexion sur les enjeux de la production écrite". Marie Musset souligne d'ailleurs que déjà, au XIXème siècle, on déplorait que "l’étude de la langue française se résume à l’apprentissage de l’orthographe, le plus souvent par le biais de la seule dictée et au détriment de l’expression, de la narration et du travail du style".
La langue ne peut s’enseigner efficacement qu’en contexte d’écriture, sous peine de générer des résultats encore plus faibles, contrairement à ce que pensent un certain nombre d’enseignants qui ont fait porter leurs efforts sur un enseignement de grammaire traditionnel. Car n'est-ce pas "en écrivant qu’on apprend à écrire, aux antipodes des deux logiques qui consistaient à croire qu’il faut apprendre à écrire avant d’écrire", en imitant des modèles, ou qu’il faut apprendre à écrire après avoir écrit, comme le voulaient les héritiers de Freinet et de l’expression libre?
Ne faut-il pas commencer très jeune? "Une étude comparée des programmes préscolaires dans dix pays européens (Grande-Bretagne, Belgique, France, Finlande, Grèce, Irlande, Luxembourg, Portugal, Espagne et Suède) montre qu’un travail d’immersion précoce, associant lecture et production écrite (...), est de nature à favoriser la 'littératie émergente" que la majorité des pays étudiés entend favoriser."
Toutes les disciplines ne doivent-elles pas être convoquées, des mathématiques, avec les énoncés de problèmes, aux sciences, où le carnet d’expériences initié par "La main à la pâte" mêle des écrits individuels et collectifs, aux statuts différents?
Quant au langage SMS, ne faudrait-il pas le considérer "comme une variante du français standard et non pas comme une forme déviante", dont les caractéristiques peuvent "faire réfléchir les élèves aux écarts morphosyntaxiques entre le français standard et sa variante électronique"?
L’écrit demande une mise en forme de la pensée: "il ne s’agit pas d’écrire comme on parle mais d’apprendre à retranscrire la pensée en production écrite (..). La dictée à l’adulte, usuelle à l’école élémentaire depuis une vingtaine d’années, a aussi comme objectif principal de rendre les enfants sensibles au passage entre l’oral et l’écrit." Mais si le rôle de l’enseignant est "crucial", "les échanges entre pairs (...) sont importants pour consacrer la dimension sociale de l’écriture et, dans une certaine mesure, sa dimension collaborative qui subsiste quand bien même l’écriture est personnelle".