"Reprendre la main sur notre métier", leitmotiv de la journée du SNUIPP sur "le travail enseignant"
Paru dans Scolaire le jeudi 19 mai 2011.
Le rôle d'un syndicat est-il de s'attaquer aux conditions de travail de ses mandants, ou de les aider à "reprendre la main sur leur métier"? Pour Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUIPP-FSU, il est clair que les objectifs assignés influent sur le travail, et que la démocratisation de l'enseignement, l'obligation de faire réussir "tous" les élèves, oblige à s'interroger, à reconnaître que si l'Ecole peut mieux faire, elle ne peut pas tout. Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU, insiste, il faut sortir de l'idée que le travail est souffrance, mais pour qu'il soit source d'épanouissement, chacun doit "avoir autorité sur son travail".
Le syndicat des enseignants du premier degré avait donc organisé, ce jeudi 19 mai , un colloque à l'issue duquel il annonce deux initiatives, des dizaines de débats décentralisés, cet automne, autour d'un film sur le travail enseignant, et une convention passée avec le CNAM (Conservatoire national des arts et métiers) pour travailler avec des équipes volontaires sur les transformations que connaît leur profession. La salle évoque à plusieurs reprises "la souffrance professionnelle" actuelle.
Françoise Lantheaume (Lyon-II) montre combien sont dramatiques, pour les personnes, le "faire semblant" auquel elles sont contraintes par les injonctions de leur hiérarchie. Elle ajoute que "les enseignants ont tout à perdre" à évaluer leur réussite à l'aune de leur idéal, puisqu'ils ne pourront que constater l'impossibilité d'y parvenir et leur isolement. Il faut recréer des espaces de discussion, alors que trop de gens pensent que le temps collectif est du temps perdu, et que d'autres savent mieux que ceux qui travaillent comment ils devraient travailler.
Yves Clot (CNAM), pour illustrer les difficultés du monde du travail, prend l'exemple de la guichetière de la Poste, à qui l'on prescrit de vendre des produits, par exemple des emballages, sans s'inquiéter des besoins réels des clients. Elle sait que son entreprise est à présent placée dans un environnement économique concurrentiel, mais elle a le souci du service au public. Elle passe donc sans cesse des compromis pour gérer ce conflit entre deux logiques. Le chercheur demande que le syndicalisme devienne une instance délibérative, où débattre, où accepter que tous n'aient pas les mêmes réponses, d'autant que la ligne de partage passe souvent au coeur des individus eux-mêmes. "Pour être forts, il faut accepter de ne pas être unis."
Pour Frédéric Saujat (IUFM d'Aix-Marseille), les enseignants sont pris en étau entre des "injonctions descendantes", des prescriptions sur ce qu'il faut faire, qui disent rarement "comment faire" et des "injonctions remontantes", qui viennent des parents, des élèves, dont le rapport au savoir a changé, et de leurs propres exigences. Ils peuvent passer des compromis, et élaborer des stratégies de défense, "pour tenir", mais mieux vaudrait "refaire collectivement du métier", débattre des conceptions qu'en ont les uns et les autres, pour éviter "le dogmatisme des bonnes pratiques" comme le relativisme du "à chacun sa recette".
Roland Goigoux (Clermont-Ferrand) évoque l'ensemble des difficultés auxquelles sont confrontés les enseignants, le manque de considération de l'employeur, les injonctions contradictoires, les exigences accrues d'un métier qui est passé d'une obligation de moyens (donner à chacun l'occasion d'apprendre) à une obligation de résultat (faire réussir tous les élèves)... Il plaide pour qu'on aide les enseignants, "et pas seulement les élèves", et voudrait qu'un "conservatoire" permette à chacun de théoriser et de transmettre ses savoir faire. Lui aussi demande la construction d'espaces collectifs.
Sur le site du SNUIPP devraient être mises en ligne prochainement de courtes vidéos de chacun des intervenants.