La télévision n'a pas détruit l'éducation familiale (Sophie Jéhel)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le mardi 17 mai 2011.
Le rôle des parents "devient de plus en plus difficile" dans un environnement médiatique qui "cible de plus en plus tôt les enfants", estime Sophie Jehel qui se demande qui, des parents ou des médias, "éduque les préadolescents". Après avoir été responsable du pôle "protection du jeune public" au CSA, la chercheuse (Paris-II) a mené l'enquête auprès de plus d'un millier d'enfants du CM ou de 6ème ainsi que de leurs parents. Elle a surtout travaillé sur l'importance qu'ils accordent aux signaux de classification. Persuadés, en ce qui concerne la télévision qu'ils "émanent d'une puisssance étatique", les parents "leur font majoritairement confiance pour filtrer les contenus auxquels leurs enfants peuvent avoir accès". Deux sur trois considèrent d'ailleurs que "leur rôle de médiation envers les médias doit durer au moins jusqu'à 16, voire 17 ans". Ils ne sont donc pas démissionnaires et les "préadolescents respectent ces signaux d'autant plus qu'ils pensent que les parents eux-mêmes y accordent de l'attention".
Sophie Jéhel considère que, "loin de constater un effondrement de la transmission verticale, nous observons qu'elle peut fonctionner à cet âge dans l'environnement médiatique, dès lors qu'elle peut y trouver des points d'appui". Mais ces repères manquent dans le domaine numérique. Ainsi, "l'efficacité des classifications des jeux vidéos semble moindre", puisque quelque 20% des enfants jouent régulièrement à des jeux classés "16 ans" ou plus, des jeux "d'assassins" qui viennent "contaminer leur perception de la violence". Parce qu'ils se couchent plus tard, mais aussi parce qu'ils s'inscrivent dans une culture qui "flatte la réalisation de soi par la force physique et l'intimidation", leur réussite scolaire s'en ressent.
"Parents ou médias, qui éduque les préadolescents?" (Enquête sur leurs pratiques TV, jeux vidéo, radio, internet), Sophie Jéhel, Erès - CEMEA, 248 p., 23 €