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Comment les familles font-elles de leurs enfans de bons (ou de mauvais) élèves? (Colloque)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le mardi 10 mai 2011.

Comment les "héritiers", pour reprendre le mot de Bourdieu et Passeron, reçoivent-ils à l'Ecole leur héritage culturel, et le reçoivent-ils toujours? Comment les familles fabriquent-elles de bons, ou de mauvais élèves? C'était l'objet d'un colloque organisé à l'université de Dauphine les 5 et 6 mai. Voici des échos des travaux, souvent menés par de jeunes chercheurs qui sont allés sur les marges de la sociologie, là où les statistiques ne permettent pas de saisir des phénomènes trop fins. 

Ainsi, les enfants de certaines familles à fort capital culturel, qui logiquement devraient être de bons élèves, des "héritiers", sont-ils des "meshéritiers", et échouent-ils à reproduire l'excellence parentale. Gaëlle Henri-Panabière y est allée voir de plus près, et a rencontré une institutrice, très mal à l'aise avec l'orthographe, qui évite les actes d'écriture ordinaire, faire la liste des courses, tenir à jour son agenda, ou laisser un petit mot sur la porte du réfrigérateur. Sa fille est en grande difficulté en fin de 5ème. "Il est fréquent, explique-t-elle avec d'autres exemples, que les deux parents n'aient pas le même rapport à l'écrit", ou que tous les enfants d'une fratrie ne soient pas traités sur un pied d'égalité, que les petits mots s'adressent à l'un, qui joue le jeu et y répond, et pas à l'autre...

A l'inverse, Benjamin Castets-Fontaine, a interrogé 45 élèves de grandes écoles (Normale sup', HEC, ENA, etc.) issus de milieux très populaires, et, pour un tiers d'entre eux de l'immigration. Il reconstitue a posteriori comment s'est construite une logique de "cercle vertueux". A l'exception d'un polytechnicien dyslexique qui avait redoublé son CP, ils sont repérés très tôt comme étant de bons élèves, ils rencontrent des enseignants qui donnent les bons conseils, et qui aident leurs parents à choisir la bonne orientation. Ils ont confiance en eux, sont convaincus qu'ils ont "des facilités", mais ils ont aussi "l'idéologie du travail, jusqu'à l'obsession". Ils sont soutenus par leurs professeurs, par leurs parents, mais aussi par leurs camarades, et ils ont l'obligation de ne pas décevoir... C'est parfois un engrenage.

Séverine Kakpo s'est intéressée à ces familles populaires qui veulent à tout prix que leurs enfants réussissent et qui leur donnent du travail "en plus". Certaines se sont procuré les manuels, et font faire des exercices supplémentaires, ou anticipent sur le chapitre suivant. Si l'enfant est en difficulté, elles cherchent, pour y remédier, quels travaux complémentaires elles peuvent lui faire faire. Mais elles ne font pas toujours confiance à l'institution, et pour compenser, ces "militants des méthodes traditionnelles" vont chercher des alternatives aux pédagogies utilisées par les enseignants.

Dans les familles aisées, le recours aux médecins et  orthophonistes est devenu monnaie courante et les "dyslexiques" sont surreprésentés parmi les enfants de cadres et professions intermédiaires). "L'accompagnement  de ces enfants est très lourd en temps et les parents - le plus souvent les mères - sont parfois contraints à des renoncements professionnels pour garantir la réussite de leurs enfants" expliquent Stanislas Morel et Sandrine Garcia. C'est donc une "croisade" contre l'école qu'engagent  les parents pour imposer le diagnostic et permettre à l'enfant de réussir malgré ses difficultés.

Le rapport à l'écrit transmis par la famille se reflète dans les attitudes enfants lors d'exercices faits à l'école maternelle, si bien que la  réussite scolaire est déjà, à cet âge, intimement liée aux héritages culturels, estime Christophe Joigneaux. Pascale Garnier s'est intéressée aux cahiers d'activité parascolaires, utilisés dès la maternelle: cahiers de vacances,  cahiers spécialisés, thématiques, etc. Elle décrit ces "objets hybrides", que les éditeurs ont peu à peu  adaptés aux enfants et aux parents pour réunir à la fois le ludique et le scolaire.

Sandrine Garcia, qui concluait ce colloque, évoque de nouveaux enjeux pour la sociologie de l'éducation. Si les inégalités face à l'école ne faiblissent pas, elles changent progressivement de nature et de mode d'expression: les "héritiers" n'héritent plus de la même façon, ni de la même chose et cela demande un investissement important des familles qui doivent compléter et renforcer l'action de l'école. Cet investissement est plus visible qu'auparavant: cahier de vacances, cours particuliers, diagnostic médical, etc. A quelles conditions les mécanismes mobilisés par les catégories aisées peuvent-ils être réutilisés par les catégories populaires pour fabriquer de la réussite scolaire?

 

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