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Musées: une hausse de fréquentation record mais ils peinent à s'ouvrir aux jeunes

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le mercredi 04 mai 2011.

"La diversification des publics: des objectifs non atteints", telle est l'une des conclusions du rapport de la Cour des comptes, "Les musées nationaux après une décennie de transformations (2000-2010)", publié à la Documentation française en mars 2011. Fréquentation des jeunes publics et démocratisation de l'accès aux musées en direction des visiteurs relevant du "champ social" (catégories sociales modestes, handicapés...) étaient pourtant deux objectifs "continûment affichés tout au long des années 2000".

Les jeunes, d'abord, ne viennent guère plus, constat d'autant plus "décevant", "que les visites des moins de 18 ans sont effectuées, pour une bonne part, sous la forme de groupes scolaires". Si la mission Culture avait intégré dès 2006 des objectifs - 19% en 2005 et 23% à l'horizon 2010 - ils n'ont jamais été atteints. Désormais et jusqu'à l'horizon 2013, le ministère n'attend pas davantage qu'un retour au niveau atteint en 2003, c'est-à-dire 17%.

Tous les musées revendiquent pourtant avoir développé leurs actions en direction de l'Éducation nationale. Mais la Cour remarque surtout que, malgré une fréquentation accrue de 29% des groupes scolaires dans les musées SCN* entre 2006 et 2009, ces derniers "ont sensiblement moins 'bénéficié' de la décennie que les autres publics, alors même qu'ils étaient désignés comme prioritaires: de 2005 à 2009, lorsque la fréquentation totale des musées nationaux gagnait 4,8 millions de visites, celle des jeunes ne progressait que de 410 000".

Pourquoi pas un billet gratuit lors de visites scolaires pour inciter l'élève à revenir avec sa famille?

Pour les auteurs, les musées nationaux ne se sont pas donné les moyens pour rajeunir et démocratiser leur cible. "Le lien entre rajeunissement et démocratisation ne paraît pas avoir été suffisamment recherché, à travers notamment la construction de passerelles entre les visites scolaires et les visites familiales", remarquent les auteurs. C'est d'ailleurs l'une des recommandations de la Cour des comptes, qui cite en exemple une expérience menée à New-York. Au Metropolitan Museum, les jeunes accueillis dans le cadre de visites scolaires, donc obligatoires, se voient remettre un billet gratuit pour les inciter à revenir avec leurs familles. On vise ici à amplifier les visites non via une incitation financière mais en transformant les enfants en "prescripteurs vis-à-vis de leurs parents", type de mesure qui "pourrait, à peu de coût, avoir un effet direct sur le rajeunissement et la diversification sociale des publics en aval", à condition, en amont, d'amplifier "les efforts de coopération des grands musées avec les établissements de l'éducation nationale (...) et le cas échéant davantage ciblés sur les élèves éloignés du monde de la culture". Le rapport note qu'une semblable expérience avait été tentée en France dans quelques musées SCN dans le cadre de l'opération "Les Portes du Temps" lancée en 2008, qui vise précisément les publics des zones urbaines sensibles.

Côté accueil du public relevant du "champ social", la Cour relève surtout le manque d'indicateurs qui permettent d'en apprécier la progression. Mais elle conclut que c'est parce que les "actions de partenariat susceptibles de faire venir des publics ordinairement étrangers au monde de la culture" restent "très ciblées" et parce qu'elle "ne sont jamais considérées comme suffisamment prioritaires ou d'une ambition telle que les musées s’aventurent à en faire un indicateur chiffré de leur performance." Les auteurs observent surtout que ce sont "les visiteurs réguliers des musées [qui] sont devenus encore plus assidus, du fait notamment des formules d'abonnement qui se sont développées et surtout de la multiplication des expositions". Bref, ce sont les mêmes qui ont contribué à la hausse de fréquentation. Un constat que l'on pourrait rapprocher de celui concernant l'accès aux dispositifs de formation tout au long de la vie qui, contrairement aux objectifs affichés, profitent d'abord aux plus diplômés et plus informés... Les chiffres du ministère de la Culture ("Les pratiques culturelles des Français") parlent d'eux-mêmes: 23% d'ouvriers avaient fréquenté des musées en 1989, ils étaient seulement 15% dix ans plus tard, chez les employés ces taux s'élèvent à 31 puis 22%, chez les agriculteurs à 22 et 17%, contre 61 à 59% chez les cadres et professions intellectuelles supérieures et 43 à 38% chez les professions intermédiaires.

Gratuité aux 18-25 ans et aux enseignants: une mesure coûteuse sans résultats probants

La Cour des comptes est enfin très critique vis-à-vis de la mesure de gratuité accordée par l'État depuis le 1er avril 2009 aux jeunes de 18 à 25 ans et aux enseignants, gratuité qui "apparaît inutilement coûteuse en regard d'initiatives plus ciblées sur des publics éloignés de la culture". De fait, la fréquentation totale des principaux musées nationaux est restée à peu près stable en 2009 par rapport à 2008. En outre, la fréquentation des 18-25 ans n'aurait pas connu une réelle montée en charge en 2009 puisqu'elle a été de respectivement 5,5%, 8% et 11% pour les trois premiers trimestres, selon le ministère de la culture. Et même si la gratuité a apparemment joué un rôle dans la décision de visite dans près de 70% des cas, elle aurait eu "un rôle décisif pour seulement 21% des visiteurs", observe encore le rapport. Face à des "résultats décevants", les auteurs recommandent de "réorienter progressivement les crédits destinés à la compensation des mesures de gratuité vers le financement d'initiatives innovantes, par exemple sous la forme d'appels à projets destinés à favoriser la diversification des publics". Ceux-ci estiment aussi que les musées auraient dû "déployer des politiques tarifaires adaptées" pour prévenir "l'apparition de 'barrières à l'entrée' pour les familles et les catégories socioprofessionnelles les plus modestes".

Le rapport oppose à ces résultats les exemples inverses du Canada ou encore du Royaume-Uni. Dans ce dernier, le taux de visite des 5-15 ans s'est élevé à 68% en 2009 contre 56 % en 2006. Progression liée "à une politique systématique en direction du public scolaire et à une approche délibérément 'ludique' proposée par certains musées britanniques".

La Cour des Comptes salue aussi malgré tout la "performance quantitative des musées" qui ont connu une hausse de fréquentation remarquable entre 2000 et 2009, et record en Europe: près de 10,3 millions de visites supplémentaires ont été enregistrées, soit une progression de 58%.

Le rapport est téléchargeable ici.

* service à compétence nationale: musées qui ont une autonomie au quotidien mais restent sous hiérarchie ministérielle contrairement au statut d'établissement public autonome qui concerne tous les grands musées et plusieurs "petits" qui en ont bénéficié pour des raisons liées à leur collection ou à la volonté des donateurs

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