Rennes: repenser la formation initiale pour envisager les parcours de vie (Ligue de l'enseignement)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mercredi 06 avril 2011.
Rennes, envoyé spécial
Pour André Giordan, les savoirs proposés à l'école sont le reflet des préoccupations d'une autre époque, la "Belle époque". Sa conférence ouvrait, ce mercredi 6 avril, à Rennes, les 7èmes rencontres nationales de l'Education qui rassemblent quelque 500 participants, venus de toute la France.Il a montré comment la conception du savoir en formation initiale hypothèque toute la suite, un propos que Richard Robert (Telos) a prolongé en examinant comment la demande des familles, qui voudraient que des diplômes assurent une forme de sécurité à leurs enfants, ne coïncide pas avec les dynamiques sociales, dans un monde où les parcours sont incertains. "Le vrai problème est celui des 50% de la population qui se voient imposer un monde de mouvement, et qui se sentent paralysés".
Le spécialiste de didactique des sciences constate que les savoirs enseignés ne répondent pas aux défis d'aujourd'hui, dans un monde où se posent de nouveaux problèmes de santé, d'environnement, de société. "A-t-on les outils pour comprendre la crise économique quand on ne sait pas ce que c'est que l'argent?" Il remet en question "le socle commun, construit à partir de disciplines classiques", et constate qu'apprendre à lire aujourd'hui, devrait aussi signifier "apprendre à lire en lecture rapide, en hypertexte, à lire des images", à savoir trier l'information et choisir les bons mots clé. Il faut introduire des disciplines qui ne sont pas à l'école, comme le droit, l'économie, l'éducation à l'environnement, la santé, l'urbanisme, la consommation, la psychologie, la sociologie, l'anthropologie..."La Jeunesse elle-même devrait être un objet d'étude". Il milite aussi pour que soient développées, au cours de la formation initiale, des attitudes et des démarches, la curiosité, la confiance en soi, l'analyse systémique, la réflexion sur soi...
S'il critique la pédagogie frontale, qui ne fonctionne que si les élèves et l'enseignant partagent les mêmes questionnements, et si les mots ont le même sens pour chacun, il est sévère pour les pédagogies constructivistes, qui favorisent la motivation, mais ne permettent pas que se transforment les conceptions enracinées."Ne risque-t-on pas, dans un tel cadre, de ne voir que ce qui est attendu, au travers de ce qu'on connaît déjà?"
Ce passé que nous connaissons, Richard Robert le décrit comme stable, et comme un monde presque féodal marqué par la fidélité des salariés à des entreprises où chacun savait quelle serait sa progression. Chez Renault, on ne comptait pas moins de 11 échelons hiérachiques, qu'on pouvait gravir un à un, contre 4 aujourd'hui, mais avec un fossé quasi infranchissable entre chacun. "Ce monde a commencé à s'effilocher à la fin des années 60", marquée par l'émergence de la notion de parcours, par des discontinuité, des ruptures. Si certaines institutions et entreprises ont su accompagner les individus, la plupart ne se soucient que des "cadres à haut potentiel", ceux qui pourraient être mobiles, et non de ceux qui sont contraints à la mobilité. C'est dès 15 ans qu'il faut commencer à apprendre à penser les parcours, et ne pas attendre "le moment où ça casse".
Ces rencontres sont organisées par La Ligue de l'enseignement avec la Ville de Rennes, et le soutien du Conseil régional et de l'ACSé.