Les croyances des enseignants sont-elles changeables? (Cnam/Inrp)
Paru dans Scolaire le lundi 04 avril 2011.
Les référentiels de compétences pour la formation des enseignants peuvent-ils changer les pratiques d'enseignement? A quelles conditions? Quel est le poids des "croyances" des enseignants sur leur manière d'enseigner? "Le présupposé des référentiels est le suivant: Les croyances des enseignants influencent leurs pratiques; il suffit de modifier ces croyances pour modifier leur manière d'enseigner. Est-ce bien le cas? A l'heure actuelle, aucun chercheur ne peut l'établir", estime Marcel Crahay (Université de Genève). Il s'exprimait lors de la journée d'étude proposée au CNAM le 4 avril, par la revue Recherche & Formation (INRP), autour des enjeux, modalités et usages des référentiels en formation. Par les référentiels de formation, les responsables des systèmes éducatifs fixent, au niveau national, les buts à atteindre dans l’enseignement.
Marcel Crahay évoque diverses "croyances" à l'oeuvre chez les enseignants, souvent enracinées dans la conviction populaire, notamment à propos du redoublement. '"On ne peut pas faire passer un élève qui ne maîtrise pas les bases", "Je sais que les recherches concluent à l'effet négatif du redoublement, mais moi je crois que le redoublement peut parfois servir"... Ces affirmations constituent, selon lui, un exemple de l'opposition entre savoirs et croyances.
Il souligne l'importance du contexte culturel: "Le faible gain du redoublement pour l'élève fait consensus au sein de la recherche: Pour autant, le recours au redoublement est souvent une évidence pour l'enseignant. A l'inverse, les chercheurs s'affrontent sur les questions de lecture, et nombre d'enseignants doutent, questionnent leurs pratiques et attendent de la recherche une réponse".
Marcel Crahay évoque la "multifonctionnalité" des croyances: "Elles ne se réduisent pas à déterminer les pratiques enseignantes. Elles donnent sens aux expériences vécues dans la classe. Elles jouent un rôle identitaire (tels enseignants seront ainsi tous d'accord avec une série d'idées). Elles sont enfin une façon, pour un corps professionnel, de poser ce qui est licite, tolérable, et acceptable".
Le référentiel de compétences permet-il d'échapper à la problématique des bonnes ou des mauvaises croyances? Marcel Crahay fait l'hypothèse d'une "faible perméabilité" des croyances aux formations, même si la recherche ne permet pas de trancher. Il préconise, en regard, le "co-constructivisme" des savoirs, qui donnerait aux étudiants les moyens de réguler leurs croyances. "Le référentiel des compétences ne permet pas aux étudiants de faire le lien entre les savoirs et les pratiques. Il ne spécifie pas comment il faut construire l'enseignement, ni comment intégrer les connaissances en sciences humaines dans les enseignements".
Recherche et formation, N° 64, Les référentiels en formation : enjeux, légitimité, contenu et usage, 2010, INRP.