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Violences scolaires: "L'enseignant ne peut pas tout, mais il ne peut pas rien non plus". (Patrice Bride, Cahiers pédagogiques)

Paru dans Scolaire le jeudi 24 mars 2011.

Que recouvre l’expression "violences à l’école"? Comment aborder cette notion sans naïveté, en sortant des oppositions binaires (victimes / auteurs; répression / prévention...), sans dramatiser ni minimiser les faits? Quel rôle peut tenir l’école dans sa prise en compte, loin des solutions démagogiques et de l'illusion de l'éradication simple de toute violence?  Patrice Bride présentait à la presse, le jeudi 24 mars, le dossier du dernier numéro des Cahiers pédagogiques, intitulé "Violences : l'école en cause ?". Il revient en nuances, pour ToutEduc, sur la notion de violences scolaires, cet "objet compliqué à travailler".

 ToutEduc: Le titre du dossier "violences: l'école en cause?", problématisé, n'est pas neutre. Est-ce le signe d'un engagement éditorial fort?

Patrice Bride: Le dernier numéro des Cahiers sur la question de la violence remonte à juin 1999. Il est intitulé: "Face à la violence". Ce choix de vocabulaire était effectivement plus "neutre" que celui que nous réalisons en 2011. Il s'agit, avec ce nouveau numéro, de prendre acte que l'objet "violence scolaire" n'est clair pour personne. Il est à la fois une qualification pénale, l'expression émotionnelle du vécu des enseignants, mais aussi une appellation politique... C'est un concept difficile à travailler. De quelle violence parlons-nous? Quelles visions différentes de l'école recouvrent les différentes conceptions des violences scolaires? L'engagement éditorial des Cahiers va à l'encontre de l'opinion répandue actuellement. La violence n'est pas un ensemble de faits chiffrables. La violence est un objet idéologique. Un certain regard politique est ajourd'hui posé sur les enfants, que sous-tend aussi le choix de termes forts comme: harcélement, chahut, victime, harcéleur etc.

ToutEduc: Posons la question du dossier: l'école est-elle en cause?

Patrice Bride: Il existe, d'un côté, le fantasme d'une école sanctuarisée, qui serait mise à l'abri de toute violence; de l'autre, l'idée selon laquelle il faut prendre en compte les violences scolaires, "faire avec", en abandonnant l'illusion d'une "éradication" du phénomène. C'est cette seconde idée que nous défendons. La violence est inhérente à la société. Elle est présente jusque dans les contenus éducatifs, en cours d'histoire, en cours d'éducation à la citoyenneté. Comment aborder les notions dans le cadre des programmes, si on dénie à la violence toute place dans l'établissement? Nous voulons sortir du binaire, du tout-violent ou du rien-violent. Entretenir le fantasme, dans le cadre scolaire, de relations vidées de toute agressivité ne peut que créer un malaise chez les enseignants.

ToutEduc:  Certains enseignants, parfois en plein désarroi, ne sont-ils pas en attente de "trucs" pour gérer leur classe?

Patrice Bride: Divers articles du dossier proposent des dispositifs pour apprendre aux élèves à développer une empathie à l'égard de l'autre. Certains programmes se basent sur la pratique des jeux de rôles, chaque enfant est invité à tenir successivement les rôles d'agresseur, de victime, de redreseur de torts, pour "éprouver" ce que ressentent leurs pairs dans ces situations. Certaines solutions, conçues par des chercheurs, sont "toutes faites". Elles sont testées par les établissements et évaluées. On les recommande comme des solutions magiques aux autres établissements. Cette logique de programmes apparait séduisante à nombre de décideurs politiques. Il suffirait d'être dans l'applicationnisme. Qui se soucie de savoir comment les enseignants s'emparent de ces recettes?

D'autres programmes, notamment axés sur la pédagogie institutionnelle, dépendent du contexte. Il s'agit d'instaurer "un temps d'analyse", pour tenter de comprendre ce qui se joue, en convoquant à la fois les dimensions psychologiques, institutionnelles et sociologiques. Nous nous sentons plus proches d'une telle approche, basée davantage sur le décryptage de situations particulières, que sur la mise en oeuvre de protocoles généraux. Mais toutes les approches sont envisagées par le dossier des Cahiers.

ToutEduc: A qui la faute? Voilà une question qui sert de fil rouge à nombre d'articles du dossier. Qu'y peuvent les enseignants?

Patrice Bride: Le dossier tend à relier les notions de violences et d'apprentissage. Les enseignants progressent dans la gestion de leur classe lorsqu'ils se posent la question de l'apprentissage. Les plus avancés sur ces questions de violences sont aussi ceux qui veillent à ce que chaque élève ait "un moment de réussite". Chaque élève doit pouvoir être persuadé qu'il peut progresser. Le fait de centrer les relations dans la classe autour de ces questions ne permet pas d'éradiquer la violence, mais modifie positivement le climat de classe. En un mot, sortir de la violence tient à la façon dont on prend soin de la jeunesse. Encore une fois, sortons de la binarité: Les enseignants ne peuvent pas tout mais ne peuvent pas rien non plus. Il faut garder à l'idée que pour certains enfants, la violence est un élément de revalorisation de soi, quand les résultats scolaires ne sont pas là. Ces élèves se contruisent une identité de trublion.

Enfin, un article de Céline Martineau souligne que mettre en place un dispositif pour lutter contre la violence  a un effet sur le climat d'établissement, non pas en soi, mais du simple fait qu'un temps de travail est créé pour l'équipe enseignante. Le fait de penser en collectif permet d'instaurer des liens, d'évacuer des malentendus. Un apaisement s'observe, en miroir, chez les élèves. C'est presque de l'ordre de l'implicite. Ne nous contentons pas d'agir sur l'élève. Ocuppons-nous aussi de définir ce qui peut être fait pour les adultes. 

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