Tableaux interactifs: un examen critique de l'équipement en Aquitaine (Sud-Ouest)
Paru dans Scolaire le dimanche 20 février 2011.
"Alain Juppé (dont l'épouse est férue de nouvelles technologies) [s'est] entiché de ces tableaux [numériques] dernier cri. Tant et si bien que l'objectif affiché par son équipe municipale est d'équiper la totalité des 350 classes bordelaises", de la maternelle au CM2, indique Sud-Ouest dans un article signalé par la Lettre de l'AN@E. Antoine Bidegain, chargé de l'e-éducation à la mairie commente: "Il n'est pas imaginable de faire un retour en arrière, les professeurs doivent consentir des efforts d'adaptation et un changement de méthode. C'est un enjeu national : 600 000 tableaux sont déjà installés en Angleterre contre à peine 80 000 en France".
Le quotidien régional donne quelques indications chiffrées sur la situation en Aquitaine. Dans la Communauté urbaine de Bordeaux, les villes de Blanquefort, Mérignac et Saint-Médard-en-Jalles "ont suivi le mouvement". En Gironde, "85 écoles rurales (sur 931) disposent de tableaux numériques. Sur les 102 collèges girondins, 98 sont déjà équipés pour un parc total de 475 tableaux (...) [Dans les lycées], le Conseil régional a financé 1 186 de ces tableaux interactifs (pour un coût de 3 millions d'euros)".
Mais il ne cache pas les problèmes posés: ne serait-ce pas un moyen de justifier une diminution du nombre des enseignants? Les seniors ne vont-ils pas être mis en difficulté? L'inspecteur d'académie rappelle que "pour appréhender cet outil, [les enseignants] disposent au préalable de quatre heures de cours puis de douze heures de formation pédagogique par an". Un professeur de l'IUFM estime pourtant que ces formations "sont faites par des animateurs très enthousiastes mais trop attachés à la promotion de ce nouvel outil. Et quand on émet une critique, vous passez pour un 'traditionnaliste"." La taille de l'écran fait elle-même problème: "Le risque de la classe mise en spectacle est réel. L'élève se met en position de spectateur qui consomme des images, le prof devient un machiniste (...) La mémorisation peut être moins bonne parce que l'on multiplie la surcharge cognitive : quand on est devant un écran, on est noyé d'informations. Les élèves un peu en difficulté peuvent se retrouver submergés."
Alors que les collégiens de Podensac viennent de recevoir un iPad, le quotidien cite encore la mise en garde d'un architecte informatique de chez Microsoft, Jaron Lanier: "Cette idée hypnotique d'omniscience pourrait bien tuer la magie de l'enseignement en raison de l'abandon avec lequel nous laissons des ordinateurs conduire notre cerveau".