La formation des maitres en débat (revue du CIEP).
Paru dans Scolaire le vendredi 21 janvier 2011.
"En France, comme dans de nombreux pays, la formation des maîtres tente de s'adapter à de nouveaux enjeux. Le processus est en cours, mais sur de nombreux sujets des points d'équilibre ne sont pas encore assurés", estime Alain Boissinot, en introduction au n°55 de la Revue internationale d'éducation - Sèvres consacré à "La formation des maîtres". Le recteur de Versailles synthétise en introduction les pistes dégagées au cours de diverses contributions.
La circulaire de 1997, l'arrêté de 2007 et celui du 10 mai 2010, définiraient, de manière assez "convergente", des compétences pour enseigner. Il note qu'il ne s'agit pas d'en faire "la base de la formation" des maîtres, mais de les utiliser comme un moyen "d'apprécier, du point de vue des pratiques professionnelles, les effets de celle-ci", sous peine de se voir assigner "le reproche de technicisme et d'utilitarisme que rencontrent de nombreux pays étrangers". "Il ne s'agit pas de bachoter pour elles-mêmes les compétences ainsi définies", martèle-t-il.
Le "vrai débat" porterait sur "la définition des disciplines" et "leur organisation didactique". Un débat, selon lui, masqué par une mise en opposition médiatique et "manichéenne" des connaissances académiques et de la pédagogie, "réduite à une séries de recettes pratiques et comportementales de bon sens". De ce qu'il nomme "un malentendu" découleraient les principales difficultés des jeunes enseignants. Le véritable débat serait celui de "l'inadéquation entre la représentation de la discipline qui s'est forgée pendant les études universitaires et les besoins des élèves". Il cite pour exemple une nouvelle enseignante débordée par sa classe, tentant d'appliquer son sujet de master. En désespoir de cause, elle donne à ses élèves une dictée, de niveau bien trop élevée. "Peut-on transférer directement un travail de master en cours de cinquième? Comment faire pour que la dictée n'apparaisse pas seulement comme une punition?", s'interroge A. Boissinet. Un débat sur les problématiques didactiques serait "un enjeu majeur pour les universités".
Il souligne la fracture persistante entre le premier et le second degré, quand les dynamiques du système éducatif, notamment l'adoption des objectifs du socle commun, iraient "dans le sens d'une école de base correspondant à la scolarité obligatoire (premier degré + collége) ". Cette évolution devrait logiquement conduire à aborder "sur des bases nouvelles" la formation des enseignants. Or la question serait laissée pour compte par la réforme en cours. "L'investissement des universités n'est aujourd'hui pas encore de même nature selon qu'il s'agit de former des enseignants du premier et du second dégré".
Il s'agirait enfin "de prendre la mesure" des transformations induites par les TICE dans les choix didactiques et les pratiques pédagogiques: redéfinition des lieux consacrés (classe, centre de documentation) et des plages horaires, avec le développement de la relation pédagogique "en dehors même du temps et de l'espace scolaire".
Former des enseignants, n° 55, décembre 2010, Revue internationale d'éducation de Sèvres.