L'Education Populaire 2.0 est-elle possible? (actes de colloque)
Paru dans Périscolaire le mardi 11 janvier 2011.
Le Cnajep met en ligne les actes du colloque organisé le 9 novembre 2010, à Bordeaux, et intitulé "Education populaire et numérique. L'Education Populaire 2.0 est-elle possible ?" (Les actes sont téléchargeables ici). Voici quelques éléments prélevés parmi les interventions:
Agnès Pecolo (Bordeaux-III) évoque le fossé générationnel induit par les TICE, et la rupture éducative relative. "La notion de 'fossé générationnel' renvoie les adultes au statut de dinosaures, qui considèrent les jeunes comme des extra-terrestres. Cette vision permet au fossé générationnel médiatique de se mettre en place", regrette t-elle. La fracture générationnelle n'excuserait "en rien la rupture éducative". "Les plus jeunes ont besoin de modèle, et les 'grands' de passeurs". La maturité des petits face au TIC "ne suffit pas à faire d'eux des citoyens".
Elle enjoint parallèlement de ne pas tomber dans l'excès inverse, et de ne pas considérer la jeunesse comme soumise aux sirènes des médias et de la consommation. Il faudrait au contraire accepter que la transmission ne soit pas un mécanisme simple. "Il n'existe pas de transmission sans altération d'une génération à l'autre. Les référentiels du baby-boom ne sont plus les référentiels d'aujourd'hui".
Le rôle de l'éducation populaire se situerait bien du côté de la médiation. Selon Pascal Lardellier (Université de Bourgogne), les éducateurs ont un rôle de première importance à jouer auprès des jeunes, pour une "entrée harmonieuse dans cette société numérique". Il ne s'agirait pas de censurer, mais "de contrôler, d'orienter, d'accompagner, d'encadrer", et d'aider les jeunes à "interroger la consommation de communication, le statut des relations et de l’intimité, les conséquences juridiques des actions numériques".
Même conviction chez Christian Gautellier, responsable de la communication aux CEMEA. Il s'inquiète de "la prégnance du harcèlement économique auquel les enfants, même très jeunes, sont soumis à travers les médias". Il y voit un champ d'intervention pour le Cnajep: "Au-delà de l'éducation, nos associations doivent se poser comme actrices de débat, au même titre que les industriels des médias et les pouvoirs publics, pour affirmer qu'il est impossible de laisser en face à face les jeunes et les industries médiatiques". Des freins sont évoqués, comme leur manque d’influence "face au pouvoir marchand et aux évolutions économiques ou juridiques qu’il impose aux usagers des médias".
Quels sont les atouts dont dispose l’Education populaire ? Les ateliers de l'après midi valorisent trois points: "un savoir-faire sur la question de l’éthique de la communication"; une capacité à transmettre ce savoir-faire, à former des "médiateurs" (animateurs, enseignants, parents, habitants) pour accompagnemer les publics; un intérêt pour travailler avec des scientifiques, des pédagogues, des techniciens, des politiques, des décideurs.
Deux chantiers principaux sont identifiés: La formation des éducateurs aux TIC, pour leur permettre "d'accompagner les jeunes vers une utilisation citoyenne du numérique"; La mise en oeuvre des technologies de l'information et de la communication "au sein même des organisations". Un choix qui constituerait "un choix militant", propre à modifier la gouvernance des associations. "La prise de décision ne se fait plus de manière verticale mais, de plus en plus, de manière horizontale".
Enfin, il est entendu que l'éducation populaire doit jouer son rôle pédagogique "de manière ludique", dans la tradition du mouvement. L'approche par les "risques/danger" des usages des TIC, à condition de ne pas être stigmatisante pour les jeunes, pourrait leur permettre, "grâce à des pédagogies ludiques et impliquantes" (CEMEA), d'être plus autonomes, plus critiques et plus responsables de leurs usages d'internet.