Comment se construit l'identité professionnelle des enseignants débutants? (recherche belge)
Paru dans Scolaire le lundi 27 décembre 2010.
Entre 15% et 20% des enseignants du Québec abandonnent la profession avant d’atteindre cinq années d’expérience. Pour soutenir les jeunes professeurs en difficulté, le mentorat est privilégié. Peut-il aider les jeunes enseignants à développer un sentiment de compétence et une identité professionnelle positive? "Les résultats montrent que, selon les participantes, un mentorat peut favoriser le développement du sentiment de compétence. Toutefois, les sentiments de reconnaissance et d’appartenance sont attribuables à l’expérience et la sociabilité", estime un travail de thèse de l'Université de Montréal, publié en 2010, qui s'applique notamment à identifier les fonctions et qualités du mentor favorisant le développement de l’identité professionnelle.
Au Québec, avant 1994, la préparation à l’enseignement comportait une formation initiale qui durait trois ans et qui était suivie d’une période de probation de deux ans. Depuis, des changements ont été apportés aux programmes de formation à l’enseignement dans le but d’offrir aux futurs enseignants une formation davantage axée sur la pratique. La période de probation a été abolie et remplacée par une année supplémentaire de formation et 700 heures de stage menant directement à l’obtention du diplôme.
"Malgré les changements majeurs apportés au curriculum de formation initiale des maîtres dans les universités du Québec, les enseignants qui débutent dans la profession éprouvent des difficultés en période d’insertion professionnelle", souligne la recherche.
Fondée sur des entretiens, elle montre que la fonction la plus importante du mentor aux yeux des bénéficiaires est celle de "conseiller". La deuxième fonction considérée comme la plus importante par la majorité des jeunes enseignants est le feedback direct, permettant de "confirmer ou de réajuster les interventions". Les enseignants étant la plupart du temps seuls dans leur classe, le feedback ainsi obtenu pourrait constituer une façon "d’obtenir du renforcement". La fonction "soutenir moralement" a été placée dans les quatre premiers rangs des qualités apréciées chez le mentor. "L’une des participantes affirme que ce soutien l’a particulièrement aidée lorsqu’elle a vécu un conflit avec la direction". Une autre fonction a été jugée importante: la "fonction sécuriser".
Les fonctions perçues comme les moins importantes sont: favoriser l'avancement du jeune enseignant et le guider. "L’examen des résultats montre que les fonctions que les [enseignantes] mentorées considèrent comme les plus importantes (conseiller, soutenir, sécuriser et donner du feedback) concernent surtout l’aspect psychosocial. Elles semblent être associées à un besoin d’ajustement, mais aussi à un besoin de reconnaissance et d’approbation".
En ce qui concerne les fonctions perçues comme les moins importantes (répondre, favoriser et guider), les participantes estiment qu’elles doivent tailler leur place dans le milieu et faire leurs preuves. Selon elles, le mentor doit éviter de répondre à leur place "pour ne pas nuire à leur image".
Le manque de connaissances pour ce qui a trait à la gestion de la classe, à l’évaluation ou aux relations avec les parents a été présenté par les jeunes enseignants comme les principales difficultés. "Ces difficultés, liées à la tâche surtout, ont eu comme conséquence la diminution de la confiance en soi, entraînant un sentiment d’insécurité". Les difficultés vécues ont engendré des remises en question. "Bien que formées, elles ressentaient que tout d’un coup, elles n’avaient plus les ressources nécessaires. De plus, elles avaient l’impression d’avoir l’air incompétent. Inquiètes pour leur image, elles disaient se sentir jugées, qu’elles devaient faire leurs preuves, ce qui décourageait leurs efforts dans leurs rapports avec leurs collègues".
Les participantes ont expliqué que de pouvoir compter sur une personne mandatée pour les aider permettait "d’éliminer le malaise engendré par le fait de solliciter l’aide des collègues".
Si les jeunes enseignants reconnaissent le rôle des mentors dans l'acquisition de compétences, pour ce qui a trait aux sentiments de reconnaissance et d’appartenance professionnelle, les résultats sont moins concluants. Les participantes attribuent l’évolution de leur sentiment "à leur propre sociabilité et à leur capacité de collaborer" avec les collègues et la direction, et ne considèrent pas que le mentor joue un rôle à ce niveau.
La recherche conclut sur la formation des mentors: elle devrait comprendre des ateliers "visant à développer chez les mentors des habiletés spécifiques ayant pour but d’amener les jeunes enseignants à réfléchir sur leur pratique et à se différencier de leurs collègues".