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Discriminations: l'école, "lieu à haut risque", est trop peu étudiée. (Le Sociographe)

Paru dans Scolaire le mercredi 22 décembre 2010.

 "Il est paradoxal que dans les études consacrées à la discrimination, l'école occupe aussi peu de place. Cette institution constitue en effet un lieu à haut risque pour l'expression des discriminations et détermine fortement le rapport ultérieur des individus à la société dans son ensemble", estime le sociologue Choukri Ben Ayed (Limoges) dans un article publié dans le numéro 34 de la revue Le Sociographe, intitulé "Racismes ordinaires?".

Pour tenter d'éclairer ce paradoxe, l'auteur puise dans l'histoire nationale: la triple emprise du marxisme, de l'universalisme républicain et de "l'impensé colonial".

L'auteur souligne la conviction  "ancrée" en France, selon laquelle la question ethnique ne serait qu'"une surdétermination de la question sociale".  L'une des raisons: Si en Angletterre et aux Etats-Unis, la sociologie s'est saisie tôt des rapports inter-ethniques, en France, les analyses sociologiques sur l'école française se sont construites, "à partir du concept de domination sociale" cher à Bourdieu, et issu des idées de Marx et de Weber sur les rapports de classe. "Leur approche mettait surtout l'accent sur le poids des facteurs culturels et symboliques".

Un autre argument renvoie à des considérations politiques et historiques françaises: les liens entre l'école et "l'impensé de la genèse coloniale", que conceptualisent pour la première fois van Zanten et Payet en 1996, dans un numéro de la Revue Française de Pédagogie. "Ils s'y étonnent du manque d'intérêt scientifique pour un sujet comme celui du rôle de l'héritage colonial dans la structuration du sytème éducatif".

L'auteur fournit un prisme plus global d'analyse: la prégnance du modèle républicain et laïc de l'école en France, "censé assurer l'égalité entre les individus". Le chercheur cite l'analyse de François Dubet: "le principe fondateur de l'école républicaine est celui de l'égalité ontologique entre les élèves". Au sein du modèle de l'école républicaine, les individus seraient égaux par nature.

L'article convoque certaines recherches, qui, depuis 2000, prennent à bras le corps la problématique de l'éthnicité et des ségrégations scolaires. Elles soulignent notamment la sur-représentation des élèves issus de l'immigration au sein des filières les moins valorisés socialement (filières professionnelles) et la surexposition de ces jeunes au chomage (Beaud, 2002; Céreq, 2006).

Les faits de discrimination à l'endroit des élèves issus de l'immigration les rendent-ils éligibles au statut de minorité ethnique, comme aux Etats-Unis? L'auteur ouvre le débat sans réellement trancher. "L'usage de la notion de minorité ethnique est très discuté en France, en raison de la tradition universaliste. Son adoption marquerait le renconcement à une perspectve intégrative et assimilationniste".

Pour autant, ce voile politique sur le débat aurait pour effet un blanc politique. La situation française en matière de racisme éclairerait la situation de l'école. "Les processus de catégorisation ZEP dans un cadre universaliste a posé certains problèmes, analyse l'auteur, dans la mesure où celle-ci se base sur la définition de groupes cibles". Aux Etats-Unis, ces groupes sont définis en fonction de leur localisation et surtout de leur appartenance ethnique. "Ce dernier mode de catégorisation est impensable en France, tout au moins officiellement. C'est davantage le territoire qui a été retenu comme mode de ciblage". 

S'agissant de l'assouplissement en cours de la carte scolaire, "les enquêtes consacrées aux pratiques de contournement de la carte scolaire ou au choix de l'établissement privé montrent que les familles ne fondent pas leurs choix sur des critères pédagogiques (complexes et peu accessibles), mais sur celui du public accueilli".

L'auteur précise que dans tous les pays qui ont mis en oeuvre ce type de politique, comme les Etats-Unis et l'Angleterre, celle-ci s'est traduite par l'accroissement des ségrégations socio-ethniques, "mais surtout l'instauration des politiques de déségrégations scolaires": imposition de quotas ethniques lors des inscriptions scolaires, recrutement de responsables de la diversité culturelle dans les établissements, multi-ethnicité du corps enseignant et formation des personnels au multiculturalisme.

Racismes Ordinaires, Le Sociographe, n°34, janvier 2011.

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