6 leviers de réforme pour mettre "réellement" l'élève au centre (publication).
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mardi 14 décembre 2010.
"Si l'on devait faire un bilan de la réalité de l'élève au centre, il faudrait admettre que, malgré les efforts des mouvements pédagogiques, malgré la tentative de loi de 1989 et malgré les discours, l'élève n'a jamais été réellement au centre du système", estime Pierre Frackowiak dans un ouvrage récent paru chez Chronique sociale, "La place de l'élève à l'école".
L'ancien inspecteur de l'éducation nationale dresse le portrait d'un système éducatif faussement "généreux": Les stages de remise à niveau pendant les vacances et l'aide indivisualisée après la classe seraient "des supercheries", la surcharge de travail imposée en dehors des cours étant "contre-productive". Ces mesures ne fairaient qu'inscrire le projet éducatif "dans un système de panne ponctuelle/réparation", "de réussite individuelle", et de fatalité de l'échec des enfants de pauvres "malgré tout ce que l'on aura fait pour eux".
Pierre Frakowiack observe que depuis mai-juin 2010, le "paysage éducatif bouge": l'Institut Montaigne "qui est loin d'être révolutionnaire" proposerait "le retour à bien des points de la loi de 1989" dont une annexe mettait "l'élève au centre du système". Là encore, l'auteur se méfie de "l'assouplissement " affiché par Luc Chatel en réaction aux inquiétudes des médias, parents et d'une partie de l'UMP. "Le ministère revient sur des décisions imposés quand elles ne risquent pas d'écorner l'exigence de réduction drastique de la dépense publique", une stratégie ministérielle qui pourrait bien expliquer "l'importance du débat sur la semaine de quatre jours".
Les milliers de postes d'enseignants supprimés sont, pour l'ancien inspecteur, "incontestablement graves". Mais les manifestations contre ces mesures budgétaires n'occultent-elles pas "des problèmes fondamentaux liés à la conception idéologique du système"?, s'interroge P. Frackowiak, pour lequel l'action sur le quantitatif permet souvent "de dissimuler le vide de la pensée et l'absence de projet alternatif cohérent".
Le repérage des "bonnes pratiques" constituerait le dernier "nuage de fumée" de l'inertie politique. "Qu'est ce qu'une bonne pratique? Quels sont les critères? Qui les détermine? Comment?", se questionne l'ancien inspecteur. "Alors le plus souvent, la notion de bonne pratique se confond avec celle de bon professeur (...) On retrouve invariablement la notion de charisme qui n'a pas de rapport avec la compétence pédagogique."
L'école serait victime d'une dérive gestionnaire, à laquelle Pierre Frackowiak souhaite opposer, non pas une critique sur la baisse des finances, mais un "optimisme de l'avenir": "Le combat nécessaire contre la réduction des budgets (...) a trop souvent permis aux élus et aux politiques d'afficher un soutien aux revendications des enseignants et des parents sans se mobiliser sur un projet éducatif national".
A un projet d'école correspond un projet de société. Pour l'auteur, il s'agit de réfléchir "avec toutes les forces concernées", "au delà des clivages politiques", à un système capable de porter "une approche globale et pas seulement scolaire" de l'enfant, "une autre conception de l'homme et de la société", aux antipodes "des gagnants et des experts".
"Donner toute sa place à la pédagogie" doit contribuer à une refondation de l'Ecole à l'horizon 2030 ou 2040". Les autres leviers essentiels, seraient: S'accorder sur une vision du futur sans calcul partisan; s'imposer un regard positif sur les élèves, les enseignants, les parents; changer fondamentalement les programmes, et garantir l'articulation finalités/objectifs/programmes; changer les structures et les missions des enseignants; enfin, agir sur l'espace et le territoire pour "mobiliser l'ensemble des acteurs éducatifs d'un territoire": établissements, associations, clubs, mouvements d'éducation populaire...
La place de l'élève à l'école, Pierre Frackowiak, Chronique sociale (7 rue du Plat, 69002 Lyon), 176 p., 13,50 €