socle commun
Paru dans Scolaire le lundi 06 décembre 2010.
"Les Etats sont engagés dans des politiques éducatives, dont il semble qu'elles ne dépendent pas totalement d'eux", estime Régis Malet (Lille-III), lors du colloque de l'IREA (institut de recherche du SGEN-CFDT) des 3 et 4 décembre 2010 sur le socle commun.
La table ronde du vendredi 3 a débattu des savoirs de base: Quelles approches dans différents pays? Selon Régis Malet, la question des savoirs de base et des connaissances se serait imposée "sous l'impulsion des Etats-Unis". Pour le chercheur, le socle commun de connaissances et de compétences serait davantage "un objet politique qu'un objet qui vise à assurer l'évolution des systèmes éducatifs". Il évoque "un lobbying de la part des Etats-Unis pour que l'OECD développe les évaluations notamment autour des compétences de base: "basic skills". Les états européens seraient, en amont, dans une logique "d'évitement de l'exclusion du club des pays riches", il leur faudrait "concourir à ce qui se déroule au niveau international, pour s'inclure dans la dynamique supra-nationale". "Malgré des différences de politique entre l'Europe et les Etats-Unis, la logique de développement des basic skills traduit une logique de prescription et de contrôle de part et d'autre. Les états européens se retrouvent dans une situation probatoire par rapport aux engagements qu'ils ont pris". En aval, ils feraient face au phénomène de "régionalisation": "Dans un contexte de fragmentation des Etats, il est compliqué d'instaurer des projets nationaux". Ainsi, il conclut sur "un touble des institutions, et des acteurs de terrain eux-mêmes".
Second son de cloche: Aux Etats-Unis, le programme "no child left behind" a été mis en place en 2002. "Il définit qu'en 2014, tous les élèves devront avoir obtenu le niveau 'compétent' dans les matières définies", explique le chercheur Denis Meuret (IREDU). Le débat est vif sur l'exigence de niveau posée, Outre-Atlantique: "Les chercheurs américains ont fini par s'entendre sur le fait qu'il est impossible d'avoir un objectif qui soit à la fois réaliste et stimulant pour tous." Denis Meuret souligne que contrairement aux idées reçues, des recherches empiriques américaines montrent que la définition des standards fait progresser les élèves dans les disciplines testées et aux niveaux testés, "mais aussi dans les disciplines non-testées aux niveaux non-testés". Par ailleurs, les élèves les plus faibles seraient "ceux qui profitent le plus" de la mise sous tension des écoles pour élever leurs résultats. "Il est faux de dire que définir des standards ou des compétences à atteindre n'a des effets positifs que sur ce qui est testé et non sur le reste".
Pour Olivier Maradan, secrétaire général adjoint de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique, "la Suisse est un modèle réduit des tensions qui circulent dans les pays de l'OCDE". Il rappelle que la Suisse est une petite Europe: "Nous avons 26 ministres de l'Education qui gouvernent chacun leur région. Les immigrants constituent 40% de la population, très représentés dans les déciles inférieurs de PISA". L'"effet PISA" aura permi de lancer un mouvement interne, les 26 cantons ont décidé de s'unir sur une réforme visant un changement important en dix ans : harmoniser l'âge d'entrée à l'école, les différents degrés scolaires, les compétences unifiées de l'instruction publique, tout en haussant le niveau général de qualification. "En Suisse, la majorité des élèves passent un diplôme professionnel, mais des passerelles sont ouvertes vers la poursuite d'études supérieures". Des standards sont définis pour certaines disciplines, "celles retenues par PISA plus les langues étrangères". Les plans d'étude sont en passe d'être homogénéisés dans les différentes communautés linguistiques, ainsi que les conditions de travail et de qualification des enseignants (Jusqu'à présent, les professeurs sont formés aux différentes méthodes). "C'est tellement difficile de s'entendre entre les différentes cultures, que nous allons peut-être échapper aux stricts débats idéologiques".