Sport dans les cités: Son rôle sur la socialisation des filles et garçons. (Revue des Cémea)
Paru dans Périscolaire le mardi 19 octobre 2010.
Quel est le rôle des éducateurs sportifs dans l'élaboration des rapports entre filles et garçons des quartiers populaires urbains? La revue des Cémea intégre, dans un dossier global consacré aux mixités et à l'éducation, les conclusions provisoires d'un travail de thèse qui se propose d'analyser les interactions entre les adolescent(e)s dans un contexte sportif mixte.
L'auteure met en évidence la constitution, même inconsciente, d'une hiérarchisation des activités. "Les pratiques considérées comme les plus prestigieuses sont essentiellement masculines et prises en charge par les hommes", observe Carine Guérandel (Lille-III). L'activité la plus prisée par les garçons est le VTT sportif. "Les stratégies mises en place par Fred (l'éducateur), lui permettent de positionner cette activité comme une pratique dominante exclusivement masculine". L'éducateur refuse d'encadrer l'activité avec une éducatrice, propose à son groupe des parcours non-balisés avec pentes et descentes abruptes. "De plus, il n'accepte aucune fille dans le groupe de jeunes et explique son choix par la pénibilité physique de l'activité".
A l'opposé se situe la gymnastique, "encadrée par une éducatrice" et "évitée par l'ensemble des garçons et par les adolescentes". L'activité serait la "pratique dominée" au sein du centre de loisir, selon la chercheuse.
L'encadrement féminin de l'activité football tend à attirer plus de pratiquantes que lors des stages encadrés par un homme. Au terme de la première journée, "plus de la moitié des garçons demandent déjà à changer d'activité". Si les garçons remettent en question "les compétences footbalistiques" de l'éducatrice, ce serait également "le modèle de genre" que celle-ci donne à voir au cours des interactions avec les autres qui influerait sur la répartition des jeunes. "Les dispositions de genre de Diane (...) qui s'engage dans des rapports de séduction de manière explicite avec certains éducateurs du centre, se heurtent sans doute aux représentations des garçons pour qui la distance avec les filles et la discrétion des rapports amoureux s'imposent comme une norme à respecter". De manière globale, les stages encadrés par une femme jugée séductrice, n'attireraient pas les pratiquants.
Parallèlement, un homme se laissant insulter sera évité. L'autorité basée sur "la loi du plus fort" générerait des situations de conflit entre l'éducateur et "les jeunes les plus socialement démunis" qui seraient alors "exclus". Les autres ados éviteraient les activités "encadrées par ces éducateurs".
"En l'absence de formation sur la question de la mixité et d'objectif institutionnel clairement affiché en faveur d'une réflexion sur cette question, les modes de transmission mis en oeuvre au cours des interactions avec les jeunes sont essentiellement influencés par les dispositions sexuées et sportives des encadrants", conclut la chercheuse qui appelle à "une formation des éducateurs à la gestion des interactions filles-garçons", pour renouveler les relations entre les filles et les garçons des cités et déconstruire les stéréotypes.
Education et mixités, Vers l'éducation nouvelle, La revue des Ceméa, N° 539.