Penser la réalité des corps à l'heure du virtuel et de l'IA, un défi pour les éducateurs des villes (congrès de l'ANDEV)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le vendredi 05 décembre 2025.
L'IA va rendre toujours plus poreuse la frontière entre le réel et le virtuel. Comment "penser la relation éducative à l'heure de l'intelligence artificielle" ? C'est à cette question que devait répondre la table ronde conclusive du congrès de l'ANDEV, ce 5 décembre. Les directeurs de l'éducation des collectivités territoriales étaient réunis à Paris, pour trois jours, avec pour thème "du corps oublié au corps reconnu".
Et bien sûr, les violences faites aux corps, l'intimité, les toilettes, les limites, autant de thèmes qui s'imposaient. "Il faut apprendre comment on touche au corps des enfants, les ATSEM sont-elles (ou ils) toujours au clair sur ce qui est licite et ce qui ne l'est pas ?" Comment, à l'inverse, instaurer "une culture du signalement" ? Trop souvent, les agents ne se sentent pas légitimes à intervenir.
Faut-il pour autant penser que l'école n'envisage le corps qu'à travers le prisme des abus et des risques ? Ce serait oublier, fait remarquer Philippe Meirieu (professeur honoraire en sciences de l'éducation) que l'Ecole est obsédée par les corps qui doivent rester immobiles, que les enfants doivent maîtriser, oublier, pour "se focaliser sur des objets cognitifs". Lucie Jacquet-Milo (Mines - Télécom) ajoute qu'il est bien d'autres moments où l'on oublie tout ce qui n'est pas le livre passionnant qu'on est en train de lire, le problème de mathématiques dans lequel on est plongé, le morceau qu'on écoute... Stéphane Blocquaux (Paris - 13) fait découvrir à la salle les nouveautés que préparent l'industrie du virtuel, des environnements où l'on sent sur sa peau le vent et les embruns, où l'on manipule des objets qui ont la consistance d'objets réels, où "ça devient vrai", où un enfant s'amuse dans une cuisine, et qui, lorsqu'on lui ôte le casque, s'affole, il a oublié de fermer le robinet : "le retour au réel est violent". C'est pourquoi P. Meirieu plaide pour que le réel soit bien présent à l'école et dans les lieux du périscolaire, il faut que les enfants fassent de la menuiserie, que des ateliers les amènent à éprouver la résistance des matériaux. Il faut offrir, par exemple avec des terrains d'aventure, des alternatives aux réseaux sociaux.
Mais peut-être faudrait-il surtout faire confiance aux enfants. "Les adultes doivent être rééduqués, eux, ils sont prêts", veulent croire les congressistes.
Le programme du congrès, ici