Faire équipe pour échapper à l'inhumanité des procédures, une nécessité pour les enfants comme pour les adultes (CEMEA)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mercredi 26 novembre 2025.
"Simone Weil disait que la première condition pour sortir de la condition servile du travail est de faire valoir la finalité sur les moyens." Cette évocation de la philosophe par Roland Gori, dans le dernier numéro de VEN, la revue des CEMEA, éclaire tout le numéro. Titré "Faire équipe, c'est politique", le dossier rassemble des témoignages sur ce que signifie, très concrètement, faire équipe pour des animateurs, qu'ils soient en formation ou sur le terrain. Il porte aussi une réflexion sur le mouvement de "taylorisation" qui touche toute la société quand un système "technico-financier" prend en compte "les chiffres plutôt que l'humain", "à l'hôpital avec la tarification à l'acte, au lycée où l'on évalue le nombre de mentions au bac et les résultats de Parcoursup plutôt que la qualité de la relation pédagogique", dans l'économie sociale et solidaire "avec les mesures d'impact imposées à chaque projet associatif".
Et lorsque "la valeur du travail se mesure seulement au respect d'un cahier des charges et au respect de la procédure plus qu'au sens de l'action, l'équipe se réduit à un alignement de tâches". Pour y échapper, pour faire équipe et s'entendre pour agir en fonction des finalités, il faut "reprendre du temps pour se parler". La parole échangée n'exclut pas le conflit. Et mettre au travail une équipe suppose donc des règles, des rituels, une répartition des responsabilités pour que les oppositions restent verbales. Ce qui est vrai pour les enfants, comme l'ont montré Freinet et Oury avec l'institution du "conseil", est aussi vrai pour les adultes; "il faut créer un cadre où chaque membre" se voit reconnaître "une expertise spécifique", ce qui fait qu'il est "indispensable au bon fonctionnement du groupe".
C'est pourquoi "vivre un conflit au sein d'une équipe et trouver la sortie par le dialogue fait partie des compétences à découvrir lors d'un BAFA". L'informel a aussi un rôle à jouer dans la constitution d'une équipe, "il est souvent le lieu où s'élaborent des décisions implicites, où s'échangent des ressentis (...). C'est là que se construisent des alliances et des compréhensions mutuelles, que se créent des solidarités." Il peut aussi être facteur de malentendus s'il n'est pas structuré. Ce paradoxe, donner une forme à l'informel oblige à "réinventer sans cesse" les conditions du travail en commun, pour ne pas risquer de voir les procédures l'emporter sur la finalité.
VEN (Vers l'éducation nouvelle), N° 599, 10€, contact yakamedia@cemea.asso.fr

