Et si les politiques de prise en charge des élèves "à besoins particuliers" étaient négatives ? (Revue)
Paru dans Scolaire le jeudi 13 novembre 2025.
Les dispositifs supposés prendre en charge les élèves trop éloigné·es des attentes scolaires ne pourraient-ils pas, paradoxalement produire un "empêchement des apprentissages scolaires" ? C'est la question posée dans un appel à contributions lancé par les "Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs" pour un numéro à paraître en 2027.
"L’école scolarise désormais longuement toutes et tous les enfants et les jeunes en gérant l’hétérogénéité par des parcours individualisés dans une logique de dispositifs dérogeant plus ou moins au programme pour tous (...). Ces dispositifs se déploient désormais dans le cadre de la politique dite de l’école inclusive" et ils prévoient que "se rencontrent plus étroitement monde scolaire et secteur médico-social".
Les coordinatrices de ce numéro, Sandrine Garcia, Fabienne Montmasson-Michel et Charlotte Moquet soulignent que la logique des dispositifs mis en place pour l'inclusion des élèves en situation de handicap "s’est étendue à la catégorie extensive des BEP (besoins éducatifs particuliers)," une notion floue et "la question de comprendre ce qui est enseigné et à qui reste prégnante" alors qu'elle est "peu questionnée", y compris en Italie, "pays pionnier pour l’inclusion scolaire".
"Il y a donc tout intérêt à examiner de près ces politiques publiques" et la manière dont les "différents dispositifs, programmes, structures, par-delà leurs différences, ont en commun d’être présentés comme une aide et un appui à la scolarité, alors même que bien souvent et de diverses manières, ils contournent les difficultés scolaires plus qu’ils ne les affrontent et ne les dépassent (...). Ce contournement peut être rationalisé par les acteurs et les actrices comme une manière de revenir, un jour, à des savoirs avec lesquels la confrontation a été difficile (...), mais ce retour demeure très incertain. Il peut s’agir également d’un renoncement assumé à certains apprentissages au nom de l’adaptation (...). Loin d’être 'égalisatrices', ces adaptations et modalités d’accès aux savoirs peuvent s’avérer bien plus souvent 'palliatives' ou 'adaptatives' : elles permettent peut-être de partager une scolarisation ordinaire avec les pairs de la tranche d’âge, ce qui est sans aucun doute un progrès social par rapport aux logiques ségrégatives, mais elles ne garantissent pas les meilleures conditions pour acquérir des savoirs scolaires décisifs."
Les autrices de l'appel vont plus loin. Cette politique n'est-elle pas "une manière douce d’élimination, certes coûteuse en temps et en moyens, mais permettant à l’institution de se dédouaner des difficultés scolaires récalcitrantes en reportant sur des élèves longuement accompagné·es la responsabilité de leur 'échec' à acquérir les savoirs que la nation a pourtant établis comme 'socle commun' ?"

