Le CAP, un diplôme mal aimé par l'Education nationale (Inspection générale)
Paru dans Scolaire, Orientation le mercredi 12 novembre 2025.
Un inspecteur d'académie décrit ainsi la situation des élèves préparant un certificat d’aptitude professionnelle : "Les CAP sous statut d’apprenti sont en réussite ; mais les CAP sous statut scolaire dans le public accueillent les élèves les plus fragiles, dont les employeurs n’ont pas voulu ou dont l’enseignement privé ne veut pas." Les inspecteurs généraux auteurs d'un rapport sur "le rôle et la place du CAP, entre rôle social et diplôme d’insertion" ajoutent que "la loi de 2018 a amplifié le fonctionnement d’un système de formation à deux vitesses". Ils notent également que "le CAP ne fait pas l’objet d’une attention spécifique de la part des académies, mais reste 'noyé' dans le regard global porté sur la voie professionnelle. L’élaboration de la carte des formations n’aborde pas de manière spécifique le CAP."
Si le rapport porte aussi sur l'apprentissage, il est centré sur le CAP sous statut scolaire, et il fait état d'une "amplification des difficultés d’apprentissage" des élèves des LP. "Les référentiels de certification constituent une marche trop haute pour beaucoup d’élèves" pour lesquels "les problèmes de lecture, de compréhension de textes et plus généralement, d’appréhension de la langue française (...) constitue un obstacle pour entrer dans les apprentissages."
Voici les points saillants du rapport.
Le certificat d’aptitude professionnelle est un diplôme de niveau 3 délivré par les ministères de l’éducation nationale (CAP), de l’agriculture (CAPA) ou encore celui en charge de la mer (CAPM). Il a été "peu considéré" dans les réformes de 2018 et 2023. "Les rares mesures qui avaient été prises à son sujet, ont été en réalité peu mobilisées (CAP en 3 ans, co-intervention, par exemple). Le baccalauréat professionnel, créé il y a quarante ans, a fondamentalement transformé la voie professionnelle : il est devenu un diplôme prépondérant accueillant désormais 83 % des élèves scolarisés, reléguant le CAP à une place secondaire en termes d’effectifs (17 % des élèves)". Il y a pourtant "un net regain d’intérêt de la part des entreprises, mais aussi des jeunes, pour le CAP alors que l’on a pu croire dans le passé que ce diplôme n’était plus utile". L'UIMM (les métiers de la métallurgie) estime ainsi que "les entreprises de la branche ont besoin de recruter de BAC - 3 à BAC + 8". Le CAP est aussi le "diplôme d’entrée privilégié dans l’artisanat".
La mission note ainsi un décalage entre les attentes "des milieux économiques, exprimant une forte demande de qualification à niveau CAP, et la vision de l’Éducation nationale orientée vers une élévation du niveau des qualifications (...). Le CAP est identifié (par l'institution) à un moyen permettant de donner du temps pour atteindre un niveau de qualification et compenser partiellement les difficultés scolaires rencontrées, voire acquérir une maturité suffisante pour intégrer une autre formation professionnalisante."
"L'ensemble des interlocuteurs auditionnés (par les inspecteurs généraux) considèrent que le CAP sous statut scolaire a toute sa place pour répondre à des besoins économiques", même si "la plupart des CAP en lycée professionnel sont considérés comme des formations accueillant les élèves qui étaient le plus en difficulté au collège, ayant parfois subi leur orientation, et appartenant au public à besoins éducatifs particuliers", souvent issus "des classes préprofessionnelles des collèges – prépa-métiers, SEGPA et ULIS", parfois EANA (allophones nouvellement arrivés). Cette hétérogénéité conduit "les acteurs exerçant en LP "à s’interroger sur les finalités du CAP. Celui-ci est envisagé davantage comme assurant l’accès à un niveau de qualification, voire à un titre scolaire, que comme une propédeutique à l’insertion professionnelle". C'est même parfois un moyen d'assurer une affectation à un élève encore soumis à l'obligation scolaire.
S'y ajoute l’accueil d’élèves en situation de handicap. "Souvent très contraints dans leurs poursuites d’études, ils peuvent aussi être orientés vers des spécialités professionnelles qui les mettent en difficulté", d'autant que "dans de nombreux cas, les notifications par la MDPH (...) n’existent pas, et les enseignants découvrent les difficultés à l’issue de l’affectation dans leurs filières". Un enseignant commente : "Le LP semble être un trou noir de l’école inclusive."
La mission d'inspection préconise notamment de "retravailler la carte des formations des CAP en fonction des besoins des milieux économiques, mais aussi des aspirations des publics", de veiller à une "meilleure préparation de l’orientation durant les années de collège" mais aussi "à ce que les conseils de classe n’incitent pas systématiquement les élèves de classe de 3ème à rejoindre une seconde professionnelle plutôt qu’un CAP". Il faudrait aussi "favoriser le développement d’une mixité de publics (apprentis et scolaires) (...) et de parcours (une année scolaire et une année en apprentissage) dans les CAP en LP".
S'agissant des enseignants, les inspecteurs généraux soulignent qu' "accompagner les élèves (lors des périodes de formation en milieu professionnel" exige tout autant des qualités relationnelles et pédagogiques que des compétences techniques (...). Voilà pourquoi la mission estime que le recours à des professeurs associés, la mise en place de pôle d’expertise qui pourrait être assurée par des CMQ (campus des métiers et des qualifications) ou des réseaux d’établissements pourraient être des solutions pertinentes."
Mais au-delà, "les difficultés rencontrées par les élèves interrogent le développement professionnel et la posture professionnelle des enseignants et des équipes éducatives (...) ; la gestion de problèmes de comportement, de mal-être psychologique, tenant à une vie sociale et familiale parfois instable, devient alors une priorité. La dimension éducative dans l’enseignement prend de plus en plus de place. Les enseignants deviennent alors plus éducateurs que professeurs. Ce que certains assument clairement. Le maintien en formation des élèves apparaît alors comme le dernier rempart, le dernier lien pour assurer un processus de socialisation et de scolarisation. Les risques de clivage au sein des équipes sont alors importants."
Le rapport, une cinquantaine de pages et des annexes, est téléchargeable ici

