La "loi Molac" pourrait fragiliser l'enseignement des langues régionales (Sénat)
Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 16 octobre 2025.
La "loi Mola"c a suscité auprès des défenseurs des langues régionales "beaucoup d’attentes et d’espoirs, mais aussi beaucoup d’incompréhension et de la colère à la suite de la censure par le Conseil constitutionnel de deux de ses articles" relatifs à l’utilisation des signes diacritiques et à la possibilité du recours à l’enseignement immersif, constatent le président de la Commission des affaires culturelles au Sénat, Laurent Lafon et les deux rapporteurs de "la mission d’évaluation de la loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion", Max Brisson (LR) et Karine Daniel (PS).
Ils notent toutefois qu'une circulaire de 2021 "ouvre une voie de passage pour l’enseignement immersif, renommé 'méthode bilingue par enseignement immersif' en assouplissant la manière d’apprécier le respect du principe de parité horaire." Les auteurs ne vont pas jusqu'à écrire qu'il s'agit de contourner la censure du Conseil constitutionnel.
En termes d'effectifs, à la rentrée 2023, plus de 107 000 élèves de maternelle et élémentaire suivent (en métropole) un enseignement de langue vivante régionale (+ 47 % en 2 ans). S'y ajoutent 61 000 élèves du second degré. Mais "les données sur les effectifs transmises par le ministère de l’Éducation nationale ne font pas la distinction entre les différentes intensités dans l’apprentissage de ces langues, qui peuvent varier de quelques heures par an dans le cadre d’une sensibilisation ou initiation à un volume hebdomadaire plus élevé avec l’enseignement renforcé". La mission s'inquiète également d'un "abandon massif" de l'apprentissage des langues régionales au collège et surtout au lycée où la réforme, "en marginalisant la place des options dans les emplois du temps et leur reconnaissance au baccalauréat, a accéléré la chute des effectifs". Se pose aussi la question du vivier, notoirement insuffisant, d'enseignants.
La mission pointe également des "tensions" relatives au "versement du forfait scolaire pour les établissements d’enseignement privés (...). Certaines communes refusent de le verser ou ne s’acquittent que d’un montant très faible (...). (Elles) estiment que la commune n’a pas à payer pour un choix d’éducation des familles (...). Ces tensions sont accentuées dans un contexte de déprise démographique où certaines communes voient les classes de leur école publique fermer avec un sentiment de double peine : devoir à la fois payer la scolarisation de quelques élèves dans une autre commune et dans le même temps constater la disparition d’un poste d’enseignant dans leur commune à deux ou trois élèves près." La deuxième difficulté concerne les modalités de calcul du montant à verser. À la différence des trois autres cas de versement du forfait scolaire (...) pour lesquelles les modalités de calcul sont précisées par le texte et font l’objet d’une jurisprudence détaillée, pour les établissements d’enseignement immersif, le texte précise que la participation financière doit faire l’objet d’un accord (...). Plusieurs réseaux associatifs d’enseignement ont souligné leur hésitation à s’engager sur le terrain du contentieux au sujet du forfait scolaire, craignant une remise en cause par le juge de leur modèle pédagogique" après la censure du Conseil constitutionnel : "Le financement des réseaux d’enseignement immersif a paradoxalement été profondément fragilisé par la loi Molac."