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Que savons-nous de l'IEF (Instruction en famille), quand "la meilleure stratégie de réussite scolaire est d'éviter l'école" ? (ouvrage)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le lundi 22 septembre 2025.

Que savons-nous des familles qui choisissent d'instruire elles-mêmes leurs enfants (ou plutôt, qui choisissaient de le faire, puisque les lois "pour une école de la confiance" et "valeurs de la République" en limitent très sévèrement la possibilité, ndlr) ? Philippe Bongrand (U. de Cergy) a réuni une vingtaine de contributions de chercheurs sur un sujet dont la réalité est difficile à saisir. Mais il est clair que "légiférer ou réglementer l'instruction en famille en faisant fi des différences qui la caractérisent, c'est s'exposer au risque de faire fausse route ou de manquer de pertinence".

Voici l'essentiel de la synthèse qu'en propose Dominique Glasman :

Premier point, ce sujet est un irritant, pour l'administration qui transmet difficilement aux chercheurs les données dont elle dispose et pour les autres chercheurs qui reprochent aux contributeurs de s'intéresser à "des gens qui refusent l'école" et "se replient dans leur coin". Second constat, "cette pratique est plus souvent considérée globalement, comme une réalité unique plutôt que dans sa diversité, "de l'école à la maison la plus calquée sur la salle de classe à l'unschooling le plus radical", avec toutes les combinaisons imaginables du formel à l'informel...

Autre image à relativiser, "celle d'enfants ou d'adolescents qui, de leur plus jeune âge jusqu'au terme de l'âge d'instruction obligatoire, voire au-delà, ne vont pas à l'école" alors que "la grande majorité des jeunes déclarés un jour en IEF y restent peu de temps, une ou deux années; l'IEF est essentiellement une pratique provisoire." Elle n'est pas non plus réservées à des familles qui en ont les moyens, même si les catégories aisées "semblent sur-représentées".

Et pour illustrer cette diversité, l'auteur pose la question, "qu'y a-t-il de commun entre une famille qui part explorer le monde, une famille qui choisit de tout autres modes d'apprentissage, une autre qui déscolarise en une sorte de 'sauve-qui-peut' provisoire, une autre encore soucieuse avant tout de la sécurité physique et morale de ses enfants (...) ? Certaines refusent l'école publique (...), d'autres veulent maintenir leurs enfants à l'écart de toute structure scolaire (...), d'autres sont moins en rejet de l'école en général que de l'école de leur quartier (...)." Cela ne signifie pas que ces enfants soient asociaux : "S'ils ne vont pas à l'école, les jeunes en IEF peuvent fréquenter la maison de l'enfance, un club de sports, le conservatoire, faire partie d'une troupe de théâtre ou d'une troupe de scouts, etc." Il est des familles "pour lesquelles l'IEF ne s'associe pas une manière de vivre", d'autres pour lesquelles c'est un choix de vie qui a conduit à l'IEF.

Il ne faudrait pas non plus croire que l'IEF soit en butte à l'hostilité systématique des inspecteurs, en témoignent certains rapports où il est noté qu' "il n'est pas sûr que cet enfant apprendrait mieux en allant à l'école" ; "la grande majorité des contrôles se solde par un satisfecit adressé aux parents". Dans d'autres rapports, les inspecteurs font au contraire part de leur inquiétude "pour certains jeunes en danger de ne pas apprendre".

Mais "comment se construisent les savoirs des jeunes qui apprennent en autonomie complète (...) ? Que deviennent les jeunes passés par l'IEF (...) ? Comment s'intègrent dans l'enseignement supérieur les jeunes qui ne sont jamais allés à l'école ? Comment s'intègrent-ils dans l'activité professionnelle ?"

Au-delà, ne faut-il pas considérer ce phénomène comme l'expression d'une évolution sociétale ? "On voit aujourd'hui les parents (...) faire flèche de tout bois pour assurer, autant que faire se peut, la réussite scolaire de leurs enfants" tandis que se développe le marché des "outils d'apprentissage (les Alphas, la méthode de Singapour, pour ne pas parler de la pédagogie Montessori) (...). On connaît encore très mal les familles IEF qui sont mues par une préoccupation d'excellence scolaire" et aux yeux desquelles "la meilleure stratégie de réussite scolaire est d'éviter l'école".

"L'instruction en famille en France, Profils, mobiles et pratiques au tournant des années 2020", sous la direction de P.Bongrand, Presses universitaires de Rennes, 878 p., 30€

 

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