SNU : Il faut "mettre un terme au Service national universel" (rapport parlementaire)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le jeudi 18 septembre 2025.
Le rapport de la mission d’information "sur les conditions d’accueil et d’encadrement des séjours de cohésion du service national universel (SNU)", porté par les députés Idir Boumertit (LFI) et Maxime Michelet (Union des droites) et qui vient d'être publié par la Commission des affaires culturelles et de l'éducation" est particulièrement accablant, même si tout n'est pas décrit négativement et si le rapport constitue une synthèse très complète, et relativement nuancée, du dossier. En voici les éléments les plus significatifs, dont l'addition vaut réquisitoire.
"Un projet présidentiel flou dont la mise en oeuvre a été chaotique" et qui fait "écho à la nostalgie du service militaire", estiment les deux élus : "Au-delà de la nostalgie dont était porteur le projet d’un service national universel, une arrière-pensée transparaissait : celle selon laquelle un passage par la caserne serait de nature à 'redresser' une partie de la jeunesse jugée en manque de repères, rétive à l’autorité, incontrôlable, voire dangereuse. Si les rapporteurs ont certaines divergences quant à l’appréciation de cette situation, ils se rejoignent sur un point (...) : le rôle de l’armée n’est ni de ramener la jeunesse française dans le 'droit chemin', ni de l’éduquer, ni même de la socialiser."
Ils décrivent : "une préfiguration laborieuse, sans débat avec la représentation nationale ni réelle volonté de concertation avec les parties prenantes (...). L’impréparation et l’improvisation permanente ne se limitèrent pas à l’organisation des plannings et aux recrutements, comme on pouvait s’y attendre. Elles touchèrent également les transports (...), la prise en charge sanitaire des jeunes (...). Cette première expérience, pourtant censée constituer la 'vitrine' du SNU, donnait donc à bien des égards un sentiment d’impréparation (...). Le gouvernement de l’époque, Gabriel Attal et Geneviève Darrieussecq en tête, n’en cria pas moins victoire."
Mais on constate aussitôt "des hésitations croissantes autour du caractère obligatoire du dispositif" : "Alors qu’il paraissait certain, au départ, que le SNU était appelé à revêtir un caractère obligatoire, le doute s’est instillé progressivement, en dépit des affirmations répétées des ministres et secrétaires d’État successifs (...). Il est vrai que, très tôt, une certaine incrédulité a prévalu chez de nombreux observateurs en raison de la lourdeur du projet et de son coût s’il devait s’appliquer de manière obligatoire pour l’ensemble d’une classe d’âge."
"L’obsession de la généralisation" est d'ailleurs qualifiée de "chimère absurde", d'autant que, "année après année, les objectifs chiffrés n’ont pas été atteints". Quant au dispositif CLE (classes et lycées engagés), destiné à permettre une hausse du nombre de participants", il semble avoir été abandonné puisque "aucun appel à projets n’a été lancé en 2025 pour l’année scolaire 2025-2026".
D'autre part, le recrutement des participants est "parfois en contradiction avec un cadre juridique au demeurant inadapté". "Seuls les Français peuvent participer à un séjour de cohésion organisé par l’État" : "ne pas permettre à des jeunes volontaires de participer au séjour de cohésion car ils ne possèdent pas la nationalité française va à l’encontre de l’objectif de cohésion sociale que se fixe le service national universel". Toutefois, les jeunes étrangers sont autorisés à effectuer le séjour de cohésion dans le cadre d’une CLE sans qu’aucune disposition normative ne le prévoie. De même "les autorités ont communiqué largement sur l’ouverture à tous les jeunes de 15 à 17 ans" alors que le code applicable, celui du service national, prévoit que les jeunes aient au moins 16 ans ! Se posent aussi des questions sur la participation des jeunes porteurs de handicap et des apprentis pour qui "la durée des vacances constitue un obstacle à leur participation aux séjours de cohésion".
Quant aux activités organisées dans le cadre de ces séjours, les deux députés les considèrent comme "un fourre-tout visant à pallier les déficiences de l’institution scolaire et des mécanismes nationaux d’intégration" : "Même si les méthodes déployées dans le cadre du SNU sont pour partie différentes de celles ayant cours en milieu scolaire, la redondance entre un grand nombre de thématiques (...) et les matières faisant l’objet d’enseignements scolaires est indéniable. C’est tout particulièrement le cas, bien entendu, en ce qui concerne les valeurs de la République et la connaissance des institutions, qui relèvent du programme d’EMC, mais c’est également vrai de la formation premiers secours citoyen (...), des principes et de l’organisation de la défense nationale (...), ou encore de l’éducation au développement durable".
Autre point, "un séjour à distance du cadre familial libère la parole des jeunes", mais "crée une nouvelle contrainte pour les encadrants (...), lesquels sont souvent très jeunes –, notamment lorsque sont abordés le harcèlement scolaire, les violences sexistes et sexuelles, les questions de genre ou encore la santé et les addictions", ce qui n'avait pas été anticipé.
Dans les premiers temps, "des incidents répétés ont entaché l’image du SNU". "Les dérapages semblent s’être faits plus rares" depuis que la délégation générale "exerce le pilotage du dispositif" mais "plusieurs points de fragilité demeurent néanmoins".
Au total, les séjours de cohésion "sont un dispositif coûteux, aux résultats éloignés des objectifs initiaux", "décevants en matière de mixité sociale", qui "peinent à stimuler un engagement effectif de la jeunesse" et les deux rapporteurs évoquent "la nécessité de proposer à la jeunesse des politiques de citoyenneté lisibles et cohérentes" alors que s'empilent les dispositifs de promotion de l’engagement citoyen : le plan "Ambition armées-jeunesse", les classes de défense et de sécurité globale, les classes dites de cadets, les préparations militaires, le dispositif jeunes sapeurs‑pompiers (...), le service civique et le volontariat associatif". Et ils estiment qu'il faut "mettre un terme au Service national universel". A noter que les préconisations des deux élus sont assez différentes. Le premier propose d' "affecter les fonds du SNU à d’autres actions en vue de renforcer l’école publique, de faire du sport un véritable service public de proximité et de soutenir l’éducation populaire" tandis que Maxime Michelet plaide pour "un lien facilité entre l’armée et la jeunesse" et pour "une école de la nation qui transmette l’impératif d’unité nationale".
Le rapport (très complet et documenté) ici