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La valse des ministres de l’Education nationale : une danse de Saint-Guy ? (Claude Lelièvre)

Paru dans Scolaire le dimanche 14 septembre 2025.

Claude Lelièvre nous propose ce rappel historique, bien utile quand, en cette période d'instabilité politique, nous avons tendance à ambellir le passé...

La succession rapide de ministres à la tête du ministère de l’Education nationale n’est pas de nature à assurer une administration de l’Ecole au long cours , sereine et clairement orientée ; mais plutôt des "mouvements saccadés plus ou moins incontrôlés".

C’est pourtant ce que l’on a eu à l’évidence dans la dernière période, après le ministère de Jean-Michel Blanquer qui a été le plus long de la Cinquième République : 5 ans. Pap Ndyaie 1 an et 2 mois, Gabriel Attal 5 mois et demi, Amélie Oudéa-Castena 1 mois, Nicole Belloubet 7 mois et demi, Annie Genetet 3 mois, Elisabeth Borne 8 mois et demi. Finalement, sous la présidence d’Emmanuel Macron, on n’est pas loin de la même moyenne que sous la Quatrième république (en dépit du record initial en longévité de Jean-Michel Blanquer) : un an d’exercice en moyenne.

La Quatrième République, instituée après la période du "Gouvernement provisoire de la République française", va du 27 octobre 1946 au 4 octobre 1958. Il y a eu douze ministres de l’Éducation nationale successifs pour cette durée de douze ans  (certains ministres  ‘’redoublant’’, comme Delbos  ou Berthoin) : Marcel-Edmond Naegelen 1 an et 4 mois, Edouard Depreux 5 mois, Yvon Delbos 1 peu plus d’un mois, Michel Tony-Révillon 6 jours, Yvon Delbos 1 an et 9 mois, André Morice 10 jours, Pierre Olivier Lapie 2 ans et 1 mois, André Marie 1 an et 10 mois, Jean Berthoin 1 an et 7 mois, René Billères 1 an et 3 mois, Jacques Bordeneuve 16 jours,  Jean Berthoin 4 mois.

On pourrait penser que la succession très rapide des ministres de l’Education nationale depuis le second quinquennat d’Emmanuel Macron serait tout simplement l’effet d’une instabilité gouvernementale apparentée à celle de la Quatrième République.

Mais on a connu la même chose sous l’égide de Charles de Gaulle lors des dix premières années de la Cinquième République. En effet , sous la Cinquième République, durant la période "gaullienne" depuis octobre 1958 jusqu’à juin 1969 – un peu plus de 10 ans – il y a eu dix ministres successifs. Et on était dans la même moyenne que sous la Quatrième République…

Jean Berthoin 1 an et 3 mois, André Boulloche 11 mois , Louis Joxe 10 mois, Lucien Paye 1 an et 2 mois, Pierre Sudreau 6 mois, Louis Joxe (par intérim) 1 mois et demi, Christian Fouchet 4 ans et 4 mois, Alain Peyrefitte 1 an et 2 mois, François-Xavier Ortoli 1 mois et 10 jours, Edgar Faure 11 mois.

On pourrait même dire que sous Charles de Gaulle et Emmanuel Macron on a deux configurations qui se ressemblent entre elles davantage qu’à celle de la Quatrième république : une succession fort rapide de ministres de l’Education nationale avec deux ministres de l’Education nationale qui ont eu les deux records de longévité sous la cinquième République à savoir Christian Fouchet (4 ans et 4 mois) et Jean-Michel Blanquer (5 ans), le ministre de l’Education nationale ayant eu la plus longue longévité parmi les 10 ministres la Quatrième République à savoir Olivier Lapie dépassant tout juste les 2 ans.

Aucun de ces dix ministres de la Quatrième République n’a laissé de traces historiques importantes. Faute de temps ? Sans doute.

Pour ce qui concerne au contraire la période gaullienne, on peut manifestement citer en plus de Christian Fouchet, le ministre de l’Education nationale Edgar Faure dans une situation exceptionnelle, mais avec l’appui décisif du président de la République Charles de Gaulle.

Après mai-juin 1968, c’est le projet fort novateur d’Edgar Faure appelé à la tête du ministère de l’Education nationale qui s’impose au général de Gaulle : "Le président de la République s’enquit de savoir où j’en étais parvenu ; j’avais mon dossier avec moi, et je fis lecture de mon texte ; il en approuva l’essentiel" (Ce que je crois, Grasset, 1971). Et c’est ce qui fut décidé , en particulier pour la remise en marche des universités et leur mode de gouvernance en dépit des fortes réticences de la majorité politique parlementaire d’alors.

Pour ce qui concerne Christian Fouchet , comme l’a montré l’historien Bruno Poucet, "le ministre marque sa distance avec les orientations gouvernementales, puisque, au rebours du président de la République et du chef de gouvernement Georges Pompidou, il promeut la nécessité d’un accroissement sensible du nombre des étudiants au cours des années à venir : 800 000 en 1970 contre 500 000 prévus au Plan" (Charles de Gaulle et la jeunesse, Plon, 2014). Or c’est précisément cet objectif qui s’est de fait réalisé. On lui doit surtout l’institution en 1963 du collège d’enseignement secondaire qui rompait avec l’architecture de longue date d’une école institutionnellement divisée (avec le soutien du général de Gaulle contre le Premier ministre Georges Pompidou qui redoutait dans ce nouveau dispositif un affaiblissement de l’importance de la filière classique). On lui doit aussi la réforme dite ‘’Fouchet’’ de l’enseignement supérieur en 1966 qui a renouvelé pour longtemps sa structuration.

Peut-on en dire autant de Jean-Michel Blanquer, pourtant le recordman de la longévité ministérielle sous la cinquième République ? C’est loin d’être évident. Mais la durée ne fait pas tout...

note de la rédaction : Michel Debré a assuré l'interim lors de la période de Noël 1958-1959, mais c'est en tant que Premier ministre qu'il a fait adopter la loi sur la participation de l'enseignement privé au service public de l'éducation. 

 

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