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Evolution de la carte des formations : une situation de blocage (Inspection générale)

Paru dans Scolaire, Orientation le lundi 14 juillet 2025.

"La décentralisation engagée au début des années 1980 (...) a inscrit l’élaboration de la carte des formations professionnelles dans la perspective d’un régime de compétences partagées entre l’État et la région (...). Trois décennies plus tard, le constat (...) (était) sans appel (...) : formations inadaptées aux besoins des individus et des entreprises, des financements insuffisamment mutualisés ou encore l’impossibilité de définir une stratégie partagée entre les différents acteurs." L'inspection générale de l'Education nationale reprend les conclusions d'un rapport de la Cour des comptes de 2008 et constate que depuis, "rien ne semble avoir changé (...), la moitié des spécialités de la production continuent d’accueillir moins d’une centaine d’élèves de CAP (certificat d’aptitude professionnelle)".

On ne peut pourtant pas dire qu'il ne se soit rien passé. "La loi de 2018 a prévu une révision de toutes les certifications au maximum tous les cinq ans (...). Entre 2017 et 2024, ce sont ainsi 226 diplômes professionnels du ministère de l’éducation nationale qui ont été soit rénovés (...), soit créés ou supprimés (...)." Mais les Régions sont unanimes pour dire qu'elles n'ont pas les moyens de financer une "transformation significative" de la carte des formations. En Nouvelle-Aquitaine , "le coût de la rénovation des diplômes se chiffre à 15 millions d’euros. La région y a consacré 1,4 M€ pour l’année 2025."

Dès lors, quels outils utiliser pour "créer les conditions d’une action renouvelée, cohérente et concertée entre l’administration centrale (de l'Education nationale), les préfectures, les régions académiques et les académies, les conseils régionaux et les établissements en matière d’élaboration de la carte des formations professionnelles". La mission s'interroge notamment sur un outil numérique, "Orion". Celui-ci permet de positionner une formation professionnelle initiale au regard de deux indicateurs, le taux d’insertion à six mois et le taux de poursuite d’étude. Mais une même formation peut être très bien classée dans une région et très mal dans une autre. "L’exemple du CAP 'Opérateur-opératrice logistique' est à cet égard significatif. Positionné dans le quadrant Q1 (très favorablement, ndlr) en région Normandie (avec un taux d’insertion à 6 mois de 28 % et un taux de poursuite d’étude de 55 %), cette même formation se trouve classée en Q4 en région Bretagne (...). Elle se retrouve classée aux deux extrémités des quadrants, simplement parce que la position des quadrants est déterminée par une moyenne régionale."

Ne pas oublier les approches qualitatives

Au-delà du choix des indicateurs statistiques, c'est leur légitimité même qui est en cause : "C’est pour la mission prendre le risque de réduire la finalité des formations professionnelles sous statut scolaire." Celles-ci doivent permettre au jeune "d’acquérir les connaissances et compétences nécessaires pour développer son autonomie, sa pensée critique et sa capacité à participer pleinement à la société". Se fier à ces deux indicateurs, c'est prendre le risque "d’adopter une approche trop adéquationniste à un moment où les mutations technologiques, les transitions sociétales liées au numérique, à l’intelligence artificielle ou encore au développement durable en appellent, au contraire, à développer chez les individus leur capacité d’adaptation (...). La mission insiste pour que l’appréciation de l’évolution de la carte des formations professionnelles ne résulte pas de la seule prise en compte des taux de devenir favorable des dites formations", donc de deux paramètres, insertion professionnelle et poursuite d’études : les approches qualitatives "doivent pouvoir être conjuguées aux approches quantitatives".

Autre outil, le Plan France 2030. "Doté de 2 milliards d’euros, l’appel à manifestation d’intérêt 'Compétences et métiers d’avenir' (AMI CMA), doit notamment permettre de soutenir les transitions économiques en formant les futurs professionnels (...). Lors de la première saison de l’AMI CMA, la transformation de la carte des formations a donné lieu à des projets d’ouverture et d’augmentation des capacités d’accueil, avec 18 projets lauréats pour un coût total de 12 M€. L’AMI CMA a ensuite intégré un axe 'Accélérer la transformation de la carte des formations' (...). En raison de la temporalité choisie, de la complexité de l’exercice (...), (de) la circulation d’informations contradictoires (...), celui-ci n’a pas rencontré sur le terrain l’écho escompté, et (...) seule la région AURA a pu présenter un projet 'transformation de la carte'." Les auteurs du rapport laissent entendre qu'a surtout manqué un "portage politique", "condition indispensable pour garantir non seulement la pérennité mais aussi l’efficacité des initiatives menées dans le cadre de la transformation de la carte des formations".

Le défaut ne se situe pas du côté des régions qui, selon une instruction interministérielle de 2023, ont "compétence d’arrêter la carte des formations professionnelles scolaires initiales" et qui ont saisi l’occasion pour redéfinir leur approche. Mais toutes n'ont pas la même approche, certaines mobilisent les campus, d'autres "ne les incluent pas explicitement dans leur stratégie" et les financements sont "majoritairement dirigés vers l’enseignement supérieur", ce qui soulève "des interrogations quant à leur impact réel sur le secondaire".

"De façon plus générale, tous les interlocuteurs de la mission ont souligné la lourdeur du dispositif qui, en
organisant de très nombreuses concertations, a contribué à alourdir une comitologie déjà complexe (...), tous estiment ne pas être en mesure de reproduire un tel exercice notamment au regard des résultats escomptés (...). Penser la structuration de l’espace régional dans le cadre d’un processus complexe qui voit intervenir trois niveaux de régulation (national, régional et local) ainsi qu’une pluralité d’acteurs demeure aujourd’hui plus encore qu’hier, un exercice redoutable. Non seulement, les collectivités territoriales sont privées de leur compétence en matière d’apprentissage alors même que se développe de façon anarchique une offre privée mais elles doivent faire face à des contraintes budgétaires qui entravent fortement leur capacité d’action (...), la pérennisation d’une telle démarche ne peut plus faire l’économie d’une simplification profonde du cadre législatif dans lequel s’inscrit actuellement la réflexion sur la carte des formations."

Le rapport "Evolution de la carte des formations professionnelles de niveaux 3 à 5" ici

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