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Il faut créer un "Conseil national de l'IA" pour mettre de la cohérence dans les discours et l'offre de formation de l'Education nationale (Inspection générale)

Paru dans Scolaire le mardi 08 juillet 2025.

"Loin de remettre en cause le rôle de l’enseignant et de l’école, l’IA renforce l’importance de l’éducation et le rôle fondamental des enseignants pour former les générations futures à un usage éthique, critique et créatif de l’IA mais aussi pour délimiter les usages pédagogiques pertinents de l’IA à l’école afin que l’IA soit véritablement un outil au service d’une école plus juste et plus performante." L'Inspection générale de l'Education nationale conclut ainsi son rapport sur "l’intelligence artificielle dans les établissements scolaires" mais les développements sont loin d'être tous aussi positifs que la conclusion.

Les auteurs soulignent le "contexte d’évolution permanente, de discussions quotidiennes et de débats constants" de cette mission et elle évoque une "multiplication d’initiatives" et une "rapide évolution des usages et des éléments de cadrage à l’échelle nationale, européenne et internationale".

Elle a mené un sondage entre le 15 décembre 2024 et le 15 janvier 2025 auprès de près de 5 000 enseignants : "Les résultats montrent un intérêt mesuré pour l’IA dans l’éducation, avec des obstacles importants", d'abord parce que 90 % d'entre eux "estiment ne pas avoir reçu de formation adéquate à l’usage de l’IA". 3 % ont un usage régulier de l’IA avec leurs élèves, 16 % un usage ponctuel, 76 % des répondants n’utilisent pas l’IA avec leurs élèves : "La majorité des répondants reste sceptique quant à une amélioration de l’engagement ou de l’autonomie des élèves grâce à l’IA." Chez les IEN et personnels de direction : "La perception de l’IA est globalement positive, avec une reconnaissance des gains de temps potentiels et de l'amélioration de l'efficacité administrative et pédagogique. Des réserves éthiques, techniques et surtout un manque de formation et d’accompagnement sont clairement exprimés."

Des élèves qui ne sont pas naïfs

En ce qui concerne les élèves, et en se fondant sur les échanges qu'elle a pu avoir avec un certain nombre d'entre eux, et sans être dupe des biais dans le recueil de leur parole, la mission invite "à une certaine nuance face à l’image, présente dans les médias, d’une jeunesse homogène, très à l’aise avec le numérique et l’IA, et trop peu critique face aux risques de cette nouvelle technologie (...) : les lycéens utilisent en effet très largement et de manière régulière les outils d’IA générative avec des pratiques déjà variées affectant de nombreuses disciplines. Les principaux outils cités sont ChatGPT et dans une moindre mesure Copilot, les IA mises à disposition par certains réseaux sociaux sont également mentionnées (...). Ces pratiques, qui se font en dehors de tout cadre fixé par l’enseignant, ne sont pas, pour autant, systématiquement naïves ou irresponsables." Les élèves sont conscients des dangers que représente l’utilisation de l’IA générative "comme s’il s’agissait d’un ami", mais aussi de "l’émergence de l’hypertrucage" et de la possibilité qu’une IA se trompe. "Des élèves déclarent se servir de l’IA comme assistant de révision de leur cours : génération de résumés, de questions / réponses pour pouvoir s’interroger, obtenir des formulations différentes, des explications supplémentaires et mieux comprendre certains points de cours". Ils se disent "conscients que recourir à une IA pour contourner un travail et réaliser leurs devoirs personnels ne leur apporte, en tant que tel, aucune véritable plus-value en termes d’apprentissages (...). Les exerciseurs s’adaptent au profil de l’apprenant mais celui-ci doit tout de même s’entraîner." Les inspecteurs savent que "les témoignages des élèves relatifs à leurs usages personnels tendent à une surreprésentation d’usages raisonnables et raisonnés en matière d’IA." La mission s'inquiète par ailleurs de voir, dans une école primaire, des élèves qui "n’ont plus envie de dessiner eux-mêmes, préférant donner des instructions à l’IA pour créer des images".

Les élèves "indiquent regretter l’absence d’échanges constructifs avec la majorité de leurs professeurs, ceux-ci n’abordant souvent l’usage de l’IA qu’au travers du prisme de la fraude et de la sanction. (Ils) soulignent pourtant de manière assez unanime leur souhait d’être davantage guidés et encadrés par leurs enseignants dans leurs usages de l’IA (...). 47 % des enseignants ayant répondu au questionnaire de la mission, craignent que l’IA ne remplace certains aspects de leur rôle pédagogique. Et pourtant, l’analyse du terrain montre clairement combien l’IA renforce le besoin du regard expert de l’enseignant sur les contenus produits comme sur les choix didactiques et pédagogiques." Les élèves ont développé leur esprit critique par rapport à la génération d’images, "en revanche, l’identification des forces et faiblesses des arguments, l’appréciation d’un raisonnement par des critères précis, la reconnaissance de l'incertitude ou des limites de la réponse apportée, la réflexion sur la possible partialité de la réponse apportée par l'IA n’ont été observés que sous une forme embryonnaire par la mission."

La mission passe en revue les usages que peuvent faire les enseignants et l'administration de l'IA, parfois sans le savoir. C'est ainsi qu'a été développé un outil "massivement plébiscité" par les professeurs des écoles, LALILO, une assistance pour différencier l’apprentissage de la lecture. Pour l'administration, elle cite le projet Cassandre (Conseil automatisé et support par système d'analyse numérique de documents réglementaires et éditoriaux) porté par l’académie de Lyon et qui aide les gestionnaires de Ressources humaines "à répondre aux questions des enseignants". Les usages ne manquent pas. "En Australie, l’outil d’IA générative EdChat (...) est utilisé par les enseignants pour aider dans la gestion de conflits en classe (...). D’autres outils peuvent être utilisés pour renforcer la cohésion sociale (à Séville), pour lutter contre le harcèlement (en Suède), ou encore contre la déscolarisation (en Argentine). Au Canada, des systèmes tels que PowerSchool et Brightspace automatisent le suivi de l'assiduité, la notation et la production des bulletins scolaires."

Mais surtout, la mission souligne un certain nombre de paradoxes propres à l’IA qui "peut permettre de gagner du temps" alors que "la prise en main d’outils à base d’IA et leur usage critique est chronophage", que ces outils "permettent de développer de nombreuses compétences" mais nécessitent maîtrise du langage et esprit critique pour les utiliser intelligemment. "Si la question des outils est secondaire par rapport aux questions des usages et aux enjeux éthiques, c’est bien le manque d’outils stables, sur le terrain, qui bloque le déploiement des usages." L'IA permet "un apprentissage personnalisé" et ses outils IA peuvent "renforcer la coopération et la cohésion, à condition d’être intégrés à une pédagogie de projet"... Les auteurs mettent en garde contre "le risque de régression pédagogique si la personnalisation permise par l’IA mène à une hyperpersonnalisation de la réponse éducative et une dissociation sociale, mais aussi à un excès de suivi de l’élève qui se trouve contrôlé et observé dans ses moindres faits et gestes".

Absence de cohérence

Et surtout, ils dénoncent l'absence de cohérence des discours et de l'offre de formation dont l'organisation est "peu lisible et en partie aléatoire (...). Sur le terrain, on constate des actions multiples sans réelle coordination des acteurs", entre la direction du numérique et réseau Canopé, entre les DANE (directions académiques du numérique éducatif) et les EAFC (écoles académiques de formation continue). Quant au CSP (Conseil supérieur des programmes), il est probable qu'il cantonne la prise en compte de l’IA "aux intentions en préambule des programmes ou évoquée en tant qu’élément de contexte, comme cela peut être observé dans le projet de programmes de langues vivantes et régionales".

L'Inspection générale plaide donc pour la création d'un Conseil de l'IA "décliné au niveau national et académique" et à qui serait confiée "l’élaboration d’un discours national clair quant à la place du numérique et de l’IA dans l’enseignement dispensé à tous les élèves".

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