Comment sont utilisées les données des recherches en éducation?
Paru dans Scolaire le lundi 20 septembre 2010.
"Si de nombreux chercheurs souhaitent que leur travail ait une influence sur les pratiques et les politiques éducatives menées, peu d'études établissent la manière dont les politiciens et les acteurs de terrains utilisent les données des recherches, encore moins se les approprient", soulignent Steven R. Nelson, James C. Leffler, et Barbara A. Hansen dans une étude américaine intitulée "An image of the truth, Exploring the role of research evidence in educational policy and practice". Il s'agit pour les trois chercheurs d'identifier quand, comment, et sous quelles conditions les recherches sont utilisées par les politiciens et les acteurs de terrain, sur quelles autres sources d'information ces individus comptent, et quels facteurs constituent des barrières ou des facilitateurs à l'utilisation des données issues de la recherche.
L'étude a été conduite entre 2008 et 2009 par le "Northwest Regional Educational Laboratory", en collaboration avec le "Center for Knowledge Use in Education" et le support de la fondation William T. Grant. Elle se fonde sur des entretiens réalisés avec 65 leaders du champ de l'éducation, au niveau fédéral, étatique (Oregon) et local (Portland). "Presque tous les participants estiment que les conclusions des recherches jouent un rôle dans les décisions prises, mais ils ne les identifient pas comme le premier facteur de décision (...) Ils assurent que les perspectives politiques, l'opinion publique, les pièges légaux, les considérations économiques, la pression médiatique, le bien-être des individus sont davantage déterminants."
Parmi les facteurs qui joueraient comme une barrière pour l'appropriation des recherches, l'étude cite "les contraintes de temps", "le volume des recherches", "le format de présentation", "la difficulté d'appliquer les conclusions des recherches au contexte local". Elle ajoute que les participants "ont souvent reconnu leur propre manque de capacité à acquérir, interpréter et appliquer les recherches", soulignant aussi une certiane défiance vis à vis de la recherche, "qui peut être utilisée pour dire n'importe quoi" et dont les différents chapitres se contredisent parfois.
"Les politiciens et les acteurs de terrain ont exprimé une préférence pour les rapports brefs (pas plus de une ou deux pages), avec des polices lisibles, et rédigés dans un langage non technique", rapportent les chercheurs qui identifient également un besoin de "travaux locaux, basés sur des études de cas et des analyses fondées sur des croisements d'expériences". "Tous les groupes de travail ont exprimé leur préférence pour des recherches liées au contexte local. Ils ont aussi signifié leur besoin de disposer de recherches qui considèrent comment les interventions impactent le système entier, et si de telles interventions sont tenables sur le long-terme. Ils souhaitent également que les recherches prennent en compte l'environnement politique des localités."
L'étude met également en évidence le rôle donné aux "médiations", à savoir des individus ou organisations "de confiance", perçus comme impartiaux et capables de faire le tri dans les différents élèments de la recherche. Ce rôle peut être tenu par des instituts de recherche, des organisations professionnelles, mais aussi des associés, des pairs, des réseaux sociaux... "Au sein de ces organisations intermédiaires, les politiciens et les acteurs locaux semblent avoir une relation privilégiée avec de petits groupes d'individus de confiance."
L'étude complète est téléchargeable à ce lien.